Syrie : « L’arrêt de l’aide humanitaire livrerait la population à la violence du siège, une arme mortelle que Bachar Al-Assad a utilisée dix ans »
dimanche 15/janvier/2023 - 08:21
Un collectif animé par l’universitaire Catherine Coquio et l’éditeur Farouk Mardam-Bey constate, dans une tribune au « Monde », que la politique humanitaire en Syrie, sous l’égide de l’ONU, est réduite au strict minimum en raison des pressions russe et turque, alors que la population civile subit les effets de la guerre et de la crise économique.
e 10 janvier 2023 était pour des millions de Syriens une date cruciale : ce jour, expirait la résolution de l’ONU no 2642, votée en juillet 2022, qui permettait d’acheminer une dernière aide humanitaire dans le nord-ouest du pays à 4 millions de personnes, dont près de la moitié vit dans des camps et manque de tout – nourriture, eau, chauffage, soins.
« Dernière aide » car, depuis 2019, la mécanique des vetos russes au Conseil de sécurité s’est appliquée à réduire inexorablement le nombre des points d’acheminement de cette aide vitale. Avec succès, puisqu’elle n’arrive plus que par Bab Al-Hawa, à la frontière turque, pour des durées de six mois et non plus un an. Durée que la Russie entendait réduire à rien puisque « la guerre est finie » ; mais elle vient d’accorder six mois encore – histoire de ne pas trop irriter Erdogan.
Le 21 décembre 2022, le secrétaire général adjoint de l’ONU, Martin Griffiths, évoquait une « crise économique et humanitaire sans précédent », particulièrement aiguë dans le nord de la Syrie, mais qui frappait désormais tout le pays, avec 90 % de personnes sous le seuil de pauvreté, et 14,6 millions dépendant d’une aide humanitaire – probablement 15,3 millions en 2023.
Une situation humanitaire qui s’aggrave
Les conditions de vie et d’hygiène dans les camps du Nord-Ouest ont causé le retour du choléra : le 18 décembre, on dénombrait une centaine de morts et 62 000 cas suspects. On voit, dans ce contexte, ce que peut signifier l’arrêt de l’aide humanitaire : cette population serait livrée à la violence du siège, cette arme mortelle que Bachar Al-Assad a utilisée dix ans durant contre chaque ville ou région qui échappait à son contrôle.
La politique d’assistance humanitaire à laquelle les pays occidentaux ont dû se cantonner à l’ONU, sous la pression des vetos russes, est ainsi retournée en arme de guerre, et le désengagement financier de la communauté internationale fait craindre le pire : le plan de réponse humanitaire de 2022 n’a reçu que 43 % des fonds attendus, et le plan de préparation à l’hiver 2022-2023, qui concerne 6 millions de personnes, n’est financé qu’à 21 %.