Le Royaume-Uni dans l’impasse
vendredi 13/janvier/2023 - 08:14
Impuissant à lutter contre l’inflation, le gouvernement britannique refuse de céder aux revendications de rattrapage de salaires, alors qu’une vague de grèves de grande ampleur frappe le Royaume-Uni. Une situation qui traduit la grande faiblesse politique de ses dirigeants.
Des gares vides, des métros rares, des rendez-vous médicaux annulés et des ambulances introuvables. Jamais depuis les années Thatcher le Royaume-Uni n’avait connu une vague de grèves de pareille ampleur, au point que la référence à un nouvel « hiver du mécontentement », expression d’inspiration shakespearienne qui désigne les grèves massives de 1978-1979, est omniprésente. Plus de 1 million de travailleurs britanniques au total doivent cesser le travail, d’ici à la fin de l’année, dans un mouvement de relais commencé le 12 décembre destiné à satisfaire des revendications de salaires, face à une inflation qui s’est élevée en novembre à 10,7 % sur un an (6,2 % en France).
Aux cheminots, postiers, douaniers, bagagistes s’ajoutent les infirmières du Service national de santé (NHS) – en grève pour la première fois depuis qu’elles sont organisées –, en attendant probablement les médecins débutants et les enseignants en janvier. Le conflit, alimenté par le décrochage accéléré entre prix et salaires, s’inscrit dans un contexte marqué par plus de dix années d’austérité drastique sous les gouvernements conservateurs qui ont grignoté les revenus, en particulier ceux des salariés du secteur public. Au cours de ces deux dernières années seulement, le pouvoir d’achat de ces derniers a baissé de 7,7 %.
Si l’ampleur du mouvement et la fermeté du gouvernement évoquent l’époque de la Dame de fer, le contexte est fort différent. Le gouvernement de Rishi Sunak est dans une situation de grande faiblesse politique, après l’enchaînement de scandales et de crises qui a marqué la fin de l’ère Boris Johnson, le pays souffre d’une considérable pénurie de main-d’œuvre (133 000 postes vacants dont 47 000 d’infirmières dans le seul NHS), l’opinion est plutôt bienveillante à l’égard des grévistes et l’expérience du Covid a popularisé l’intervention de l’Etat.
Pays le plus inégalitaire d’Europe occidentale
Au profond mouvement de colère parmi des Britanniques surtout réputés pour leur endurance et leur flegme, Rishi Sunak oppose la fermeté. Il refuse de céder aux revendications de rattrapage des salaires, agite la menace d’une intervention de l’armée pour remplacer les ambulanciers et d’un projet de loi imposant un service minimum dans les transports. Il tente de monter l’opinion contre des grévistes accusés d’organiser le « chaos » à l’approche de Noël.
Alors que le Royaume-Uni, devenu le pays le plus inégalitaire d’Europe occidentale, s’enfonce dans la récession, que 3 millions de Britanniques peinent à payer leurs factures d’énergie et que les banques alimentaires se multiplient, le gouvernement de Londres semble arc-bouté sur une idéologie qui prône un Etat minimal, tend à rendre les défavorisés responsables de leur sort et à privilégier les nantis, tout en se montrant impuissant à limiter l’impact de l’inflation.
Les conservateurs britanniques se montrent aussi prisonniers de leurs promesses mirobolantes mais chimériques sur le Brexit. Au lieu de la prospérité, de la souveraineté et du rayonnement international qu’ils prétendaient apporter en rompant avec leurs voisins, ils n’ont récolté que le ralentissement de leurs exportations, la dépréciation de la livre sterling, les pires prévisions de croissance des pays développés hormis la Russie, et l’isolement diplomatique. A la nécessité immédiate d’engager une sérieuse négociation destinée à sortir de l’impasse d’un conflit social où se jouent la dignité et le pouvoir d’achat de bien des Britanniques s’ajoute celle de rechercher un projet apte à redonner à ces derniers des perspectives et une place sur le continent européen.