En Afghanistan, les talibans interdisent aux femmes de travailler pour les ONG nationales et internationales
vendredi 13/janvier/2023 - 08:10
Les autorités talibanes ont ordonné aux organisations non gouvernementales (ONG) nationales et internationales de ne plus faire travailler de femmes. Le ministère de l’économie aurait reçu des plaintes selon lesquelles les femmes ne respectaient pas un code vestimentaire approprié, a-t-il fait savoir samedi 24 décembre à l’Agence France-Presse (AFP).
« Il y a eu des plaintes sérieuses concernant le non-respect du hijab islamique et d’autres règles et règlements relatifs au travail des femmes dans les organisations nationales et internationales », a affirmé le ministère, chargé d’approuver les licences des ONG opérant en Afghanistan, dans une lettre que s’est procurée l’AFP. Un porte-parole du ministère a confirmé que le ministère de l’économie avait envoyé cet ordre aux ONG. « En cas de négligence de la directive (…) la licence de l’organisation qui a été délivrée par ce ministère sera annulée », précise le courrier.
Le coordonnateur humanitaire de l’ONU pour l’Afghanistan, Ramiz Alakbarov, a dénoncé dans un tweet une « violation manifeste des principes humanitaires ». « Les femmes doivent pouvoir jouer un rôle essentiel dans tous les aspects de la vie, y compris sur le terrain humanitaire », a insisté dans un communiqué le bureau de l’ONU chargé de la coordination des affaires humanitaires. Les en empêcher « compromet les efforts déployés pour instaurer une paix et une stabilité véritables dans le pays », conclut le communiqué.
De leur côté, les Etats-Unis et l’Union européenne ont fermement condamné cette nouvelle atteinte aux droits des femmes. « Cette décision peut être dévastatrice pour le peuple afghan », a tweeté le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, se disant « très inquiet de l’interdit des talibans pour les femmes de distribuer de l’aide humanitaire vitale pour des millions de personnes en Afghanistan ».
« L’Union européenne condamne fermement la décision récente des talibans d’interdire aux femmes de travailler dans les ONG nationales et internationales », a affirmé dans un communiqué transmis à l’AFP une porte-parole du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.
Les études supérieures également interdites
Cette décision est « une nouvelle tentative déplorable d’effacer les femmes des espaces politiques, sociaux et économiques », a fustigé Amnesty international, tandis que l’ONG International Rescue Committee (IRC), qui compte plus de 3 000 femmes dans son personnel en Afghanistan affirmait être « consternée ». « Notre personnel féminin est essentiel à l’acheminement de l’aide humanitaire en Afghanistan », a-t-elle ajouté sur Twitter.
Des dizaines d’ONG nationales et internationales travaillent dans les zones reculées de l’Afghanistan, et beaucoup de leurs employés sont des femmes.
« Nous suspendons toutes nos activités à partir de dimanche », a déclaré à l’AFP, sous couvert d’anonymat, un haut responsable d’une organisation internationale impliquée dans l’action humanitaire. « Nous aurons bientôt une réunion des hauts responsables de toutes les ONG pour décider de la manière de gérer cette question. »
Cette annonce des autorités talibanes intervient quatre jours seulement après la décision du gouvernement des talibans d’interdire aux femmes afghanes de suivre des cours dans les universités publiques et privées du pays, et ce pour une durée indéterminée.
Le ministre de l’enseignement supérieur, Neda Mohammad Nadeem, a expliqué dans un entretien télévisé avoir pris cette décision car les « étudiantes qui se rendaient à l’université (…) ne respectaient pas les instructions sur le hijab ». « Le hijab est obligatoire dans l’islam », a-t-il insisté, faisant référence à l’obligation faite aux femmes en Afghanistan de se couvrir le visage et le corps entièrement.
En dépit de leurs promesses de se montrer plus souples, les talibans sont revenus à l’interprétation ultra-rigoriste de l’islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir (1996-2001).
Depuis leur retour à la direction du pays en août 2021, les mesures liberticides se sont multipliées en particulier à l’encontre des femmes qui ont été progressivement écartées de la vie publique et exclues des collèges et des lycées.