Ne pas abandonner les femmes d’Afghanistan
vendredi 13/janvier/2023 - 08:08
Les talibans poursuivent une opiniâtre guerre sociale, dont les femmes sont à la fois les cibles et les victimes. Alors que les nombreuses protestations internationales restent sans effet, le silence des pays musulmans est assourdissant.
Seize mois après leur retour au pouvoir à Kaboul, les nouveaux maîtres de l’Afghanistan sont toujours en guerre. Depuis le retrait calamiteux en août 2021 des Etats-Unis, prévu par un accord bâclé, ce conflit ne vise cependant plus un corps expéditionnaire étranger. Il est intérieur et dirigé contre une moitié de leur peuple.
Les talibans ont beau avoir accéléré par leur impéritie la dérive d’un pays dont l’économie et les conditions les plus basiques d’existence menacent à chaque instant de sombrer, ils n’en poursuivent pas moins une opiniâtre guerre sociale. Les femmes en sont à la fois les cibles et les victimes, alors qu’elles pourraient au contraire permettre à leur pays de surnager.
Tout est fait pour que le seul bénéfice de l’intervention américaine de 2001, un début d’émancipation historique des Afghanes, soit effacé. Après avoir déjà chassé les jeunes filles des collèges et des lycées, contrairement aux engagements pris, ce pouvoir devenu certainement le plus rétrograde de la planète leur a interdit, le 20 décembre, l’accès aux universités, au beau milieu de l’année en cours. En novembre, les femmes afghanes avaient été bannies des jardins publics, des gymnases et des bains publics. Les manifestations de colère que ces décisions sinistres ont déclenchées ont été à chaque fois réprimées brutalement.
Les protestations internationales que la dernière mesure frappée du sceau de l’obscurantisme a également suscitées ont laissé les talibans de marbre. Ils ont même durci leur offensive le 24 décembre, en interdisant aux organisations non gouvernementales – étrangères comme afghanes –, qui continuent d’assister un peuple éreinté par des décennies d’épreuves, d’employer des femmes, déjà soumises à des règles ubuesques pour pouvoir se déplacer et travailler. Certaines de ces organisations ont depuis suspendu leurs activités.
Les talibans, qui s’étaient déjà illustrés par une intolérance d’un autre millénaire vis-à-vis des femmes lors de leur premier passage au pouvoir, de 1996 à 2001, ont été endurcis par deux décennies d’une guérilla contre la plus puissante armée au monde. Les sacrifices auxquels ils jugent avoir consenti pour le prix de leur victoire à l’usure les ont rendus imperméables aux doutes. Cette hubris peut être également vérifiée au niveau diplomatique par la détérioration des relations avec le voisin pakistanais.
Il est probablement illusoire d’attendre que la menace réelle de famine qui continue de peser sur le pays depuis le départ des Etats-Unis pousse ce régime sur le chemin de concessions, notamment à propos des femmes. Un début d’écoute pourrait pourtant ouvrir la voie au déblocage d’avoirs pour l’instant gelés. Mais ce régime prouve, jour après jour, qu’il est prêt à user des souffrances endurées par son peuple pour au contraire forcer les organisations internationales à apporter de l’aide, à ses propres conditions.
Les femmes afghanes ne peuvent être ainsi abandonnées, même si, pour leur plus grand malheur, il est pour l’instant illusoire d’espérer qu’une réaction internationale d’ampleur contraigne les talibans à mettre un terme à cette guerre intérieure. Un sursaut est pourtant d’autant plus nécessaire qu’il n’y a, hélas, rien à attendre des pays musulmans, qui pourraient au moins tenter de faire entendre raison aux talibans à propos de l’usage dévoyé qu’ils font de la religion. Leur silence est une fois de plus assourdissant.