Soutenir l’Ukraine pour assurer la paix
mardi 10/janvier/2023 - 07:42
La décision de la France, puis des Etats-Unis et de l’Allemagne, de livrer des blindés légers de combat à l’Ukraine, si elle reflète un engagement commun, pose la question du danger d’escalade. Il est temps d’associer la représentation nationale à des décisions qui engagent le pays sur une question fondamentale pour sa sécurité.
Dans la guerre que leur impose Vladimir Poutine et qui met en jeu la survie de leur pays, les Ukrainiens ont besoin du soutien indéfectible et adapté des Occidentaux. La décision de la France, annoncée le 4 janvier, suivie le lendemain par celle des Etats-Unis et de l’Allemagne, de livrer des blindés légers de combat à l’Ukraine marque une nouvelle étape dans l’aide fournie par les démocraties. Il ne s’agit plus seulement de livrer à Kiev des armes défensives, telles que des véhicules de transport de troupes ou des matériels d’artillerie, mais des moyens pour soutenir des offensives. Les AMX-10 RC français, comme les Bradley américains et les Marder allemands, sont des véhicules armés de canons conçus pour être engagés au plus près de la ligne de front.
Cette évolution des matériels livrés ne correspond pas à une volonté d’escalade, mais apparaît calquée sur la progression des buts de guerre ukrainiens. Il s’agit d’aider le pays agressé non plus seulement à se défendre et à parvenir à une négociation dans la meilleure situation possible, mais à recouvrer l’intégralité de son territoire en en refoulant l’armée russe, et à traduire devant la justice internationale les responsables de crimes de guerre.
Le recul russe sur le terrain depuis l’été 2022 et celui de Vladimir Poutine quant à ses lignes rouges censées déclencher des représailles semblent justifier cette stratégie. De même que la perspective inquiétante d’une offensive russe d’envergure au sortir de l’hiver, permise par la nouvelle mobilisation décrétée cet automne par Moscou. Alors que le front paraît stabilisé, que plus de 100 000 morts et blessés sont à déplorer dans chaque camp selon différentes estimations, tout se passe comme si les protagonistes étaient engagés dans une course à l’équipement, à la formation et aux effectifs. L’épisode de la fausse trêve annoncée par M. Poutine pour le Noël orthodoxe ne fait que renforcer la volonté occidentale de donner à l’Ukraine tous les moyens pour contrer de nouvelles agressions.
Si l’annonce presque concomitante des décisions française, américaine et allemande de livrer des blindés légers reflète un engagement commun et coordonné à un moment crucial, pareille évolution ne va pas sans risque. Elle pose la question du danger d’escalade et du moment où l’actuelle guerre par procuration pourrait dégénérer en une confrontation directe entre les Occidentaux et la Russie. Ce seuil s’est déplacé depuis le début du conflit, mais il ne peut s’élever indéfiniment. Toute la question consiste à aider les Ukrainiens, sans alimenter la rhétorique russe présentant les démocraties occidentales comme des agresseurs.
Si la décision française a le mérite de lever toute ambiguïté sur l’attitude de Paris dans le conflit, elle pose la question de son cadrage politique et de l’information de nos concitoyens. Alors que, depuis le début du conflit en Ukraine, le Parlement n’a jamais débattu de façon approfondie de la position française, il est temps d’associer la représentation nationale à des décisions qui engagent le pays sur une question fondamentale pour sa sécurité. Pour éviter tout risque de confrontation étendue sur le sol européen, les Occidentaux n’ont d’autre choix que de tout faire pour empêcher Poutine de réussir son agression.
La fin rapide des multiples souffrances liées à cette guerre suppose donc un soutien sans faille à l’Ukraine. Parce qu’elle a besoin d’être approuvée dans la durée, cette douloureuse équation mérite d’être expliquée et débattue.