Israël a expulsé vers la France l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri
mercredi 28/décembre/2022 - 10:20
Les autorités israéliennes avaient confirmé début décembre la révocation de son statut de résident, ouvrant la voie à une expulsion imminente, malgré une nouvelle audience prévue le 1er janvier 2023.
Israël a expulsé, dimanche 18 décembre, l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, qui était détenu sans accusation formelle dans des prisons israéliennes depuis mars. Salah Hamouri est arrivé à l’aéroport parisien de Roissy vers 11 h 20, accueilli par sa femme et plusieurs dizaines de personnes mobilisées en sa faveur, a constaté une journaliste de l’Agence France-Presse.
« J’ai changé d’endroit mais le combat continue », a-t-il déclaré à son arrivée. « Aujourd’hui, je sens que j’ai une responsabilité énorme pour ma cause et mon peuple. On ne lâche pas la Palestine. Notre droit c’est de résister », a-t-il ajouté.
Plusieurs élus, représentants d’ONG et partisans de la cause palestinienne avaient fait le déplacement pour accueillir l’avocat de 37 ans, détenu depuis mars en Israël sans accusation formelle. « C’est une journée heureuse pour une famille qui se réunit, mais pour le peuple palestinien c’est une triste journée », a déclaré le président d’Amnesty International France, Jean-Claude Samouiller, en qualifiant l’expulsion de l’avocat né à Jérusalem-Est de « crime d’apartheid ». La France a condamné, dimanche, l’expulsion par Israël de Salah Hamouri, la jugeant « contraire au droit ».
« La première étape sera de se retrouver, il y a du temps à rattraper en famille. La voix de Salah ne va pas s’éteindre avec cet exil forcé (…). En France, il sera une voix pour le peuple palestinien », a déclaré son épouse, Elsa Lefort, qui vit en France avec leurs deux enfants.
Mais son expulsion avait été reportée à la suite d’audiences devant la justice militaire, ses avocats remettant en cause son ordre d’expulsion ainsi que la révocation de son statut de résident de Jérusalem-Est. Né dans cette partie de la Ville sainte, annexée et occupée par l’Etat hébreu, Salah Hamouri ne dispose pas de la nationalité israélienne, mais d’un permis de résidence, que les autorités israéliennes ont révoqué, ce qu’il conteste.
Or, début décembre, les autorités israéliennes ont confirmé la révocation de son statut, ouvrant ainsi la voie à une expulsion imminente, malgré une nouvelle audience prévue le 1er janvier 2023.
« Un formidable accomplissement »
Depuis vendredi soir, les indices d’une expulsion dimanche matin s’étaient multipliés, la députée arabe israélienne Aida Touma-Suleiman ayant d’ailleurs écrit samedi soir au ministre de la défense, Benny Gantz, pour empêcher l’expulsion, toutefois décrétée par la ministre de l’intérieur, Ayelet Shaked.
L’expulsion de M. Hamouri intervient à l’approche d’un changement d’administration en Israël, avec une passation de pouvoir attendue dans les prochains jours entre la coalition hétéroclite du centriste Yaïr Lapid et un gouvernement mené par Benyamin Nétanyahou et ses alliés des partis ultraorthodoxes et d’extrême droite. « C’est un formidable accomplissement d’avoir pu provoquer, juste avant la fin de mon mandat, son expulsion », a commenté dimanche Mme Shaked.
L’expulsion de Salah Hamouri est un « test » pour les habitants de Jérusalem-Est, a plaidé récemment son avocate, Leah Tsemel, disant craindre que le futur gouvernement israélien ne multiplie les révocations de permis de résident de Palestiniens nés dans la Ville Sainte.
« Cette expulsion est une manœuvre visant à entraver le travail de Salah Hamouri en faveur des droits humains, mais aussi l’expression de l’objectif politique à long terme des autorités israéliennes, qui est de diminuer l’importance de la population palestinienne à Jérusalem-Est », ont déclaré dimanche Amnesty International et des ONG françaises. « L’expulsion de Salah Hamouri est vraiment préoccupante pour les Palestiens de Jérusalem », a témoigné un haut responsable palestinien requérant l’anonymat, les soutiens du Franco-Palestinien jugeant « illégale » son expulsion de sa ville natale par un « pouvoir d’occupation ».
« Nous ne pensions pas que c’était possible d’expulser une personne de sa terre natale. C’est un citoyen français mais (…) il est né à Jérusalem, a vécu et grandi ici (…). Ces racines sont ici », expliquait récemment sa mère, Denise Hamouri. Celle-ci avait exhorté le président français, Emmanuel Macron, à faire pression sur Israël pour surseoir à son expulsion et permettre à Salah Hamouri de voyager librement entre Jérusalem et la France.
Défense des prisonniers palestiniens
M. Hamouri avait été emprisonné en Israël entre 2005 et 2011 pour participation à la tentative d’assassinat d’Ovadia Yossef, ancien grand rabbin d’Israël et fondateur du parti ultra-orthodoxe Shass, avant d’être libéré en 2011 dans le cadre d’un échange de prisonniers ayant permis la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit. Devenu lui-même avocat, il travaillait pour l’ONG Addammeer qui défend les prisonniers palestiniens. Mais cette ONG a été placée ces derniers mois, comme une poignée d’autres, sur la liste israélienne des organisations terroristes.
Et pour rajouter à la saga, Amnesty International avait conclu, après l’analyse du téléphone portable de M. Hamouri, que celui-ci avait été piraté par le logiciel espion Pegasus de la société israélienne NSO.
Ce dernier dossier avait donné lieu à une plainte en justice du Franco-Palestinien en France contre cette entreprise de cybersécurité dont la technologie est soupçonnée par un consortium de journalistes d’avoir servi à infiltrer le smartphone du président Macron.