Un Iranien se suicide à Lyon pour dénoncer la répression dans son pays
mercredi 28/décembre/2022 - 10:18
Un Iranien s’est suicidé, lundi 26 décembre, en se jetant dans le Rhône à Lyon afin, dit-il dans une vidéo posthume, d’attirer l’attention sur la situation de son pays secoué par des manifestations. Mohammad Moradi a été retrouvé noyé, lundi en fin de journée, a précisé la police, confirmant une information du journal local Le Progrès.
Agé de 38 ans comme il se présente dans sa vidéo publiée sur plusieurs réseaux sociaux, dont Instagram, il n’a pas pu être réanimé malgré l’intervention des pompiers, qui l’ont ramené sur la berge, a-t-on appris de même source.
Dans sa vidéo, M. Moradi, qui précise habiter à Lyon depuis 2019, affirme d’une voix calme :
« La police attaque les gens [en Iran], on a perdu beaucoup de fils et de filles, adolescents, même des enfants, donc on doit faire quelque chose. Je décide de me suicider dans le fleuve Rhône, c’est comme un challenge pour montrer que nous, peuple iranien, nous sommes très, très fatigués de cette situation. On décide de changer notre pays. »
« Quand vous regarderez cette vidéo, je serai mort », poursuit-il, avant d’appeler à soutenir le peuple iranien dans sa lutte contre « des policiers et un gouvernement extrêmement violents ».
Rassemblement pont Gallieni
Selon plusieurs membres de la communauté iranienne, Mohammad Moradi était étudiant en licence d’histoire et travaillait dans un restaurant. Il vivait à Lyon avec sa femme depuis trois ans.
Le parquet de Lyon a annoncé mardi à l’Agence France-Presse avoir « diligenté une enquête en recherche des causes de la mort, afin de vérifier l’hypothèse d’un suicide au vu notamment des messages postés par l’intéressé sur les réseaux sociaux annonçant son intention. L’enquête s’attachera également à déterminer le mobile des faits ».
« Mohammad Moradi s’est donné la mort pour faire entendre la voix de la révolution en Iran, notre voix n’est pas propagée par les médias occidentaux », a fustigé mardi Timothée Amini, porte-parole de quelque 3 000 membres de la communauté iranienne de Lyon, lors d’un rassemblement sur les lieux du drame, pont Gallieni (entre les 7e et 2e arrondissements).
Devant de nombreux journalistes, une quarantaine de personnes ont déposé bougies, bouquets de roses et photos du défunt sur les rambardes, avant de prononcer discours et chants.
« On a droit tous les matins à l’Ukraine, mais l’Iran on n’en entend parler que très peu. C’est difficile à vivre pour nous, Iraniens de la diaspora », a insisté M. Amini, réfugié politique travaillant dans l’informatique. « Son cœur battait pour l’Iran, il ne supportait plus ce régime », se désole-t-il.
Son geste est « farouchement courageux », a jugé sa compatriote Lili Mohadjer. Mohammad Moradi « espérait que sa mort soit un élément de plus pour les médias occidentaux et les gouvernements, pour soutenir la révolution en marche en Iran ». Sur sa vidéo, « il disait qu’il ne pouvait pas vivre tranquillement, confortablement ici – il était très bien intégré » alors que des Iraniens sont tués « à bout portant », a-t-elle ajouté.
« On ne parle pas de se suicider, on parle de se sacrifier pour gagner la liberté », a expliqué une jeune Iranienne au mégaphone, avant de lancer : « Vive la liberté ! »
L’Iran connaît depuis deux mois une vague de contestation sans précédent depuis la révolution islamique de 1979. Elle est née de revendications sur les droits des femmes après la mort de Mahsa Amini, arrêtée pour avoir mal porté le voile islamique, qui se sont muées en contestation du pouvoir.