Pour la première fois depuis le début de l'invasion, Poutine désigne le conflit comme une «guerre»
vendredi 23/décembre/2022 - 06:32
Le Kremlin s'était obstiné jusqu'ici à désigner le conflit comme une «opération militaire spéciale» et avait banni l'emploi des mots «invasion» et «guerre».
Est-ce une maladresse ou un vrai revirement dans la communication du Kremlin ? À l’issue d'une réunion du Conseil d'État à Moscou jeudi 22 décembre, Vladimir Poutine a utilisé pour la première fois le terme de «guerre» pour désigner le conflit en Ukraine.
«Notre but, ce n'est pas de faire tourner le conflit comme un volant d'inertie, mais, au contraire, de terminer cette guerre et nous aspirons à cela», a déclaré le chef de l'État russe devant un parterre de journalistes. Depuis le 24 février 2022, premier jour de l'invasion russe de l'Ukraine, la Russie qualifie officiellement l'invasion d'«opération militaire spéciale».
Une semaine plus tard, le 4 mars, les députés adoptaient à la Douma un texte punissant de prison les «informations mensongères» sur l'armée. Depuis, les journalistes russes et internationaux qui ne reprendraient pas les dépêches officielles sont considérés comme émetteurs de «Fake News». Mais l'amendement ne s'applique pas qu'aux seuls professionnels de l'information, mais à tous les citoyens présents en Russie. Et il prévoit diverses peines de prison pouvant aller jusqu'à 15 ans.
Les autorités russes ont donc gravé dans la loi le bannissement de l'emploi de mots comme «guerre» et «invasion», selon les contempteurs de la politique du régime. Un conseiller municipal de Saint-Pétersbourg, Nikita Yuferev, qui a fui la Russie à cause de son opposition à la guerre, a indiqué sur Twitter avoir alerté les autorités judiciaires pour qu'elles poursuivent le président russe. «Plusieurs milliers de personnes ont déjà été condamnées pour de tels propos sur la guerre», ajoute-t-il.
En juillet, l'élu municipal moscovite Alexei Gorinov «a été condamné à 7 anspour avoir qualifié la guerre de guerre lors d'une réunion du conseil des députés», a aussi déclaré sur le réseau social un proche de l'opposant russe Alexeï Navalny. Alexeï Gorinov avait été arrêté en avril pour avoir dénoncé le 15 mars l'«agression» de Moscou contre l'Ukraine où maintenant «des enfants meurent chaque jour», pendant une réunion de son assemblée municipale de quartier, session filmée et retransmise sur YouTube. «Tous les efforts de la société civile doivent servir à mettre fin à la guerre et à entraîner le retrait des forces russes du territoire ukrainien», avait-il notamment déclaré.
Un lapsus ?
L'«opération spéciale» d'ampleur limitée vise dans le jargon officiel à «protéger» les populations russophones d'Ukraine d'un «génocide». Et Poutine l'a encore rappelé dans ses propos d'hier. «L'objectif principal de la Russie est de protéger le peuple ukrainien», a-t-il déclaré. Accusant les États-Unis d'avoir dressé les peuples ukrainiens et russes l'un contre l'autre, Poutine a réaffirmé que la Russie continuerait ses efforts pour que «le peuple russe s'unisse». «Les racines entre les peuples de Russie et d'Ukraine sont plus fortes que ceux qui essayent de nous diviser», a-t-il une nouvelle fois martelé.
Selon l'agence de presse russe Tass, le chef du Kremlin a aussi affirmé que la Russie était disposée à discuter avec Kiev pour trouver une issue diplomatique au conflit : «Tous les conflits armés se terminent avec des pourparlers. Plus Kiev comprendra ça rapidement, mieux ce sera».
Si Poutine a donc employé le terme de «guerre», la rhétorique générale reste donc la même. Interrogé par CNN, un responsable américain sous couvert d'anonymat précise que cette première utilisation du mot n'est sans doute pas intentionnelle, et relèverait davantage, selon lui, d'un lapsus.
Au début du mois de novembre, le chef d'état-major américain, le général Mark Milley estimait que plus de 100.000 militaires russes avaient été tués ou blessés depuis le début de l'invasion de l'Ukraine. Les pertes côté ukrainien étant probablement du même ordre, ajoutait le militaire américain.