Parquet national antiterroriste: le feu vert de l'Assemblée attendra
Le
feu vert de l'Assemblée nationale à la création d'un parquet national
antiterroriste (PNAT), mesure phare du projet de réforme de la justice, devra
attendre, les débats n'ayant pu être achevés dans la nuit de vendredi à samedi.
Les
députés devaient voter en première lecture la création de ce parquet censé
mieux répondre à la menace selon le gouvernement. Mais le grand nombre
d'amendements restant à examiner (plus de 500), et la crainte de certains élus
d'être bloqués au petit matin par les "gilets jaunes" a contraint à
reporter sine die les travaux sur le texte porté par la garde des Sceaux Nicole
Belloubet vers 2h25 du matin.
Dirigé
par un procureur de la République antiterroriste, pas encore connu, le PNAT se
substituera au parquet de Paris pour le traitement des infractions terroristes,
des crimes contre l'humanité, des crimes et délits de guerre, des crimes de
tortures et encore des infractions relatives à la prolifération d'armes de
destruction massive.
Un
décret fixera son entrée en fonction, au plus tard le 1er janvier 2020, le
temps de nommer ses membres. Le PNAT "bénéficiera d'une équipe de
magistrats et de fonctionnaires renforcée", a promis le Premier ministre
en juillet.
Ce
nouveau parquet - pas une "juridiction d'exception" - sera le
deuxième spécialisé, après la création en 2013 du parquet national financier
(PNF) né du scandale Cahuzac.
Selon
Mme Belloubet, "son objectif est double". Il permettra de "disposer
d?une véritable force de frappe judiciaire antiterroriste pour répondre à des
menaces qui restent à un niveau très élevé et prennent des formes nouvelles, de
plus en plus endogènes", de la part de personnes radicalisées en France.
Le
13 novembre dernier, trois ans après les attentats jihadistes qui avaient fait
130 morts à Paris et Saint-Denis, le ministre de l'Intérieur Christophe
Castaner a indiqué que six attentats avaient été déjoués cette année.
"Deuxièmement,
il s'agit d'offrir au procureur une visibilité institutionnelle sur le plan
national et international." Cela "ne vise nullement à remettre en
cause la remarquable action" de François Molins, ex-procureur de la
République de Paris qui a été depuis 2015 le visage de l'antiterrorisme, avait
précisé Mme Belloubet.
M.
Molins, qui jugeait en 2016 "contre-productif" le principe d'un
parquet dédié, considère désormais cette réorganisation comme
"légitime", le cadre actuel n'ayant pas bougé depuis 32 ans.
La
section antiterroriste du parquet de Paris a été créée en 1986 après une vague
d'attentats revendiqués par un groupe proche du Hezbollah. Elle s'est alors
chargée principalement d'attaques liées à l'islamisme et aux indépendantismes
corse et basque. Mais depuis 2012, le nombre de ses dossiers a doublé chaque
année, en lien avec le jihadisme.
La
procureure générale de Paris, Catherine Champrenault, et les principaux
syndicats de magistrats ont vivement critiqué le PNAT: selon eux, le
fonctionnement actuel permet de mobiliser d'importants effectifs dans la foulée
d'un attentat et de conserver une vision globale, de la petite délinquance au
terrorisme.
Annoncé
en décembre 2017, le PNAT avait été écarté du projet de loi initial après des
remarques dans le même sens du Conseil d'Etat.
Le
gouvernement en a tenu compte, a assuré Mme Belloubet: il a été prévu une
réserve opérationnelle de magistrats du parquet de Paris, à laquelle le
procureur de la République antiterroriste pourra recourir en cas de crise.