Iran : l’abolition de la police des mœurs, une « opération de propagande » ?
Une opération de propagande ? Après plus de deux mois de colère causée par la mort de Mahsa Amini, le procureur général iranien, Mohammad Jafar Montazeri, a annoncé ce samedi 3 décembre l’abolition de la police des mœurs. Lors d’une conférence religieuse dans la ville de Qom, il répondait à la question d’un participant qui lui demandait « pourquoi la police des mœurs a été fermée ». « La police des mœurs n’a rien à voir avec le pouvoir judiciaire, et elle a été abolie par ceux qui l’ont créée », a-t-il alors affirmé, après avoir par ailleurs ouvert la porte à une réforme des règles sur le port du voile.
Cette annonce surprise, considérée comme un geste du pouvoir iranien envers les manifestants, semble être une avancée notable pour la liberté des femmes en Iran, contraintes de porter un voile islamique. Cependant, alors que le gouvernement n’a rien confirmé, plusieurs observateurs s’interrogent sur la réalité de la dissolution de cette force. « Pour le moment, personne d’autre ne l’a confirmée », souligne sur Twitter Ghazal Golshiri, ancienne correspondante duMonde en Iran. Même appel à la prudence de la part d’Armin Arefi, grand reporter au Point : « Il faut attendre une confirmation du gouvernement, selon le Huffpost.
« Même si la police des mœurs est abolie dans sa forme actuelle, le voile est toujours obligatoire en Iran donc le régime doit toujours l’appliquer. Cela semble être une opération de diversion en amont des grandes mobilisations prévues en Iran la semaine prochaine », souligne pour sa part Farid Vahid, directeur de l’Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à la Fondation Jean-Jaurès.
Sociologue et spécialiste de l’Iran, Mahnaz Shirali affirme au HuffPost que cette déclaration est une « opération de propagande » menée par le régime iranien. L’autrice de Fenêtre sur l’Iran, le cri d’un peuple bâillonné, aux éditions Les Pérégrines, doutes d’incidences positives sur le quotidien des Iraniennes. Pire, cette unité pourrait être remplacée par une autre encore plus répressive.
Le HuffPost : L’annonce du démantèlement de la police des mœurs en Iran doit-elle être considérée comme une décision historique pour l’Iran ?
Mahnaz Shirali : Non. Cette annonce a d’ailleurs été démentie tout à l’heure par la télévision iranienne, il n’est pas question du tout de supprimer la police des mœurs (...). C’est une opération de propagande du régime pour détourner l’attention de la communauté internationale sur les crimes et les exactions qui sont en train d’être commises en Iran. La République islamique veut se montrer souple, capable d’effectuer quelques réformes, alors que la violence envers les femmes en Iran est institutionnalisée.
Si cette décision était avérée, serait-elle une avancée vers une liberté plus grande des femmes en Iran ?
Pas vraiment. Ce n’est pas la première fois que [le pouvoir iranien] change le régime de la police des mœurs. D’abord sous le président Mohammad Khatami, ensuite sous Ahmadi Nehad, mais à chaque fois elle a été rétablie. Elle a même parfois été remplacée par une police encore plus violente et virulente. Depuis 1979 et la révolution iranienne, il y a déjà eu de nombreuses métamorphoses de la police des mœurs. Mais ces changements n’ont entraîné qu’une modification de la couleur des uniformes, rien de plus.