Les yézidis à la recherche de leurs disparus
Environ 3 000 membres de la minorité religieuse irakienne
seraient morts ou toujours détenus par l’EI.
Aydul Hajji n’a pas vu grandir Radwan, son plus jeune fils de
16 ans. Depuis que les combattants de l’organisation Etat islamique (EI)
ont enlevé l’adolescent, en août 2014, à Khana-Sor, dans le Sinjar
irakien, pour l’intégrer à leur armée des « Lionceaux du califat »,
cette yézidie de 46 ans n’a eu pour preuve de vie qu’une photographie. Vêtu
d’une djellaba blanche sur son corps longiligne, les cheveux mi-longs châtains
encadrant son visage encore enfantin, Radwan y menace l’objectif d’un doigt
levé. « Un jeune yézidi sauvé il y a un an m’a transmis cette photo.
Radwan a tellement changé !, dit-elle, pensive. Un autre jeune,
revenu il y a trois mois, était avec lui sur un camp militaire près d’Hajin, en
Syrie. Il m’a dit qu’on les emmenait combattre au front et qu’on les utilisait
comme boucliers humains. Le reste du temps, on leur fait faire toutes sortes de
besognes. »
Entre les murs de parpaing nus de l’appartement en construction
où elle est réfugiée, avec sa belle-sœur, dans le village de Baadre, Aydul
Hajji vit dans l’attente du retour de ses proches disparus – comme beaucoup des
800 familles yézidies qui ont trouvé refuge dans cette localité de mille âmes,
au Kurdistan irakien. Elle est sans nouvelles depuis 2014 de son mari et de
deux autres de ses fils. Ses deux filles et son quatrième fils ont été sauvés
des griffes de l’EI, comme elle, en décembre 2016. Sa belle-sœur Faïza
Hajji, 35 ans, n’a pas été gardée longtemps captive, avec ses trois jeunes
enfants handicapés sur lesquels elle doit veiller. Mais elle n’a jamais revu
son mari, ni cinq de ses frères et sœurs.
Quand les djihadistes se sont emparés en août 2014 du
Sinjar, foyer historique des yézidis, ils ont massacré des membres de cette
minorité religieuse kurdophone du nord de l'Irak.