Publié par CEMO Centre - Paris
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L'immigration clandestine, serait-elle l'autre face du terrorisme?

samedi 01/décembre/2018 - 03:47
La Reference
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Dr Farid Khan

Expert en stratégie des affaires arabes et internationales

 

Le mouvement de l’émigration clandestine n’est pas à sens unique, à savoir en direction des zones de combat en Syrie et en Irak en passant par la Turquie, pour fournir des combattants à l’organisation terroriste Daech, et les groupes terroristes ont œuvré à organiser des mouvements migratoires inverses pour transférer leurs éléments vers l’Europe.

La communauté internationale reste perplexe sur la réalité de la relation du terrorisme transcontinental et du crime organisé avec le phénomène de l’émigration clandestine, et ses répercussions sur la sécurité en Europe, hésitant entre la critique et l’approbation. Or, les choses se sont compliquées après que ces organisations eurent exploité les questions humanitaires en s’en servant comme couverture pour leurs activités et leurs buts, ce qui a contraint l’Europe à changer de stratégie dans sa gestion du dossier de l’émigration clandestine en le considérant comme un problème politico-sécuritaire de première importance et non plus comme une question « socio-économique ». Puis la situation s’est aggravée après les tentatives de placer des éléments terroristes parmi les émigrés clandestins et les réfugiés pour les implanter dans les pays européens, conformément à un plan à long terme de l’organisation des Frères, qui vise à créer des groupes et des centres de pression religieuse en Europe en y implantant ses éléments terroristes qui acquièrent ainsi les nationalités européennes, et prennent le contrôle des centres islamiques et des mosquées à travers les villes européennes.

Eu égard à ces menaces, l’émigration clandestine est le défi le plus important auquel fait face le continent européen à l’heure actuelle, voire certains experts le placent en tête des problèmes qui menacent l’existence même de l’Union européenne, étant donné les divergences entre ses Etats membres sur le dossier de l’émigration clandestine et de l’intégration des émigrés.

Celui qui étudie de près la situation sécuritaire dans le monde aujourd’hui remarquera que le terrorisme cherche à s’implanter en Europe pour y réaliser ses objectifs et ses programmes qui ne s’accordent pas avec le mode de vie de l’individu dans ces pays et s’opposent aux droits de l’homme, outre sa contribution indirecte à la promotion des intérêts de pays qui soutiennent ces idées extrémistes comme la Turquie, le Qatar ainsi que l’organisation des Frères en Afrique du Nord, et al-Qaïda dans les pays du Maghreb arabe.

Etant donné la diffusion de l’idée de « sécurité sociale » en Europe, du fait de la relation de l’émigration clandestine avec le crime et le terrorisme, ce papier va explorer l’enracinement du projet d’exportation du terrorisme en Europe par le biais des flux migratoires clandestins que les organisations terroristes sont arrivées à contrôler de manière directe ou indirecte.

 

Les étapes de criminalisation de l’émigration clandestine en Europe

La nouvelle situation internationale, caractérisée par des blocs et des alliances, subit aujourd’hui des changements divers à tous les niveaux, des Etats aux individus en passant par les organisations, et peut-être le plus visible de ces changements qui affectent les relations internationales et les relations bilatérales en particulier est-il le terrorisme international et le phénomène de l’émigration clandestine.

Cette dernière s’échelonne entre les années trente et soixante du siècle dernier[i], à un moment où le Vieux continent était à la recherche de main d’œuvre, c’est pourquoi la criminalisation de l’émigration clandestine sur ses terres n’eut pas lieu de manière claire et directe, et il faut attendre le début des années soixante-dix pour que les pays européens réalisent la suffisance en main-d’œuvre, ce qui les pousse à prendre des mesures juridiques visant à limiter l’émigration clandestine. Ces mesures se renforcent avec le début de l’application de l’accord Schengen en juin 1985.

C’est en 1988 que la presse européenne mentionne la première victime de l’émigration clandestine, noyée en Méditerranée, qui marque le début du problème de l’émigration clandestine, avant que ne se succèdent les informations internationales relatives aux drames successifs survenus sur la rive sud de l’Europe, comprenant de grands pays industriels que l’on pensait être une forteresse imprenable face à l’entrée des clandestins, après l’imposition de visas aux ressortissants de pays maghrébins, africains et arabes.

Malgré les mesures prises pour limiter le phénomène de l’émigration clandestine, elle augmenta à nouveau après 1990, année qui vit l’élargissement de l’Union européenne.[ii]

Ces mesures eurent un impact négatif et conduisirent à l’augmentation du flux migratoire clandestin vers le continent européen et cela par la porte orientale de l’Europe : Pologne, Russie, Ukraine, ou la porte des Balkans, pour en arriver à l’option préférée chez nombre d’Africains, à savoir la porte hispano-marocaine par le détroit de Gibraltar.

Le dossier de l’émigration clandestine devint le centre d’intérêt des milieux décisionnaires d’Europe mais les efforts d’élaboration d’une politique européenne unifiée ne se manifestèrent que durant le Sommet de Salonique le 19 juin 2003[iii], qui se tint dans le cadre des développements politiques et intégrationnistes au sein de l’Union européenne, après l’approbation de la constitution unifiée et des nouvelles structures de l’Union, et des droits relatifs à l’élargissement à l’est dans l’avenir. Ce sommet tenta de déterminer des critères unifiés pour les pays de l’Union, permettant de faire face à l’émigration clandestine et à soumettre l’entrée dans l’Union à des conditions précises, mais il échoua en cela à cause des divisions entre les Européens sur la question de l’évaluation du sujet de l’émigration et de son importance pour les économies européennes.

Ce phénomène devint lié à la sécurité européenne surtout après les événements du 11 septembre, où l’émigration fut considérée comme une menace pour les pays européens et où l’on commença à arrêter le flux croissant d’émigrés clandestins. Cette question fut ainsi inscrite par la suite en tête des priorités politiques des Etats, et en particulier de ceux de l’Union européenne, qui tentent de faire face aux menaces par l’élaboration de nombreuses stratégies et de mécanismes sécuritaires, politiques et économiques pour protéger leur sécurité.

Et du fait de l’augmentation des dangers du lien des réseaux de migrants clandestins avec les organisations terroristes, et en particulier Daech[iv], l’Union européenne a lancé une opération militaire[v] sous le nom « Sofia » pour combattre les bateaux transportant les immigrants, à laquelle participent des navires de guerre européens dont le but est d’arrêter les immigrants clandestins et de les fouiller pour s’assurer qu’il n’y a pas de terroristes parmi eux.

Cette opération a été lancée sur la base de rapports indiquant que Daech avait noué des relations étroites avec les réseaux actifs dans le transport des migrants clandestins, voire avait réussi à créer des réseaux d’émigration qui lui soient propres[vi], pour réaliser deux buts : le premier étant lié à la recherche de sources de financement et le second étant de permettre à ses éléments de s’infiltrer en Europe pour perpétrer des attaques terroristes. En effet, avec l’encerclement croissant de l’organisation en Irak et Syrie et la perte des territoires qu’elle contrôlait, elle a recouru à l’exploitation de l’émigration clandestine pour compenser ses pertes.

Les pays européens craignent que Daech n’ait réussi jusqu’aujourd’hui à faire émigrer un groupe d’individus susceptibles de menacer la sécurité des sociétés européennes et de réaliser de nouvelles attaques, et cette hypothèse a été confortée par le fait que les services de sécurité espagnols ont incarcéré le 23 novembre 2016 dans la province de Galice deux Algériens de Daech, après avoir prouvé leur implication dans ce trafic, et les enquêtes ont confirmé l’hypothèse selon laquelle ils étaient responsables de l’émigration de certains individus qui avaient exécuté la série d’attaques terroristes à Paris le 13 novembre 2015, en particulier dans les 10e et 11e arrondissements, au théâtre du Bataclan, et dans les rues Bichat, Alibert et de Charonne où trois attaques suicides ont eu lieu, dans le périmètre du Stade de France à Saint-Denis dans la banlieue nord de Paris, outre une autre attaque suicide et une série de tueries collectives à l’arme à feu dans quatre endroits différents.

L’Espagne affirme que des exemples existent déjà du lien entre l’émigration clandestine et le terrorisme et l’extrémisme en Europe.

Et avec la diffusion des informations sur le retour des combattants étrangers dans leur pays d’origine, les craintes des pays européens se sont renforcées, ce qui pose un défi plus grand aux services de sécurité européen. En effet, le nombre de citoyens européens étant allés combattre aux côtés de Daech est de 7000 environ[vii], mais tous ne rentrent pas de façon légale, ce qui permettrait de les surveiller, et les craintes à propos de ces gens sont relatives aux intentions de l’organisation, qui pense pouvoir compenser ses pertes et la perte de « l’Etat » en s’orientant progressivement vers la clandestinité et l’expansion horizontale, au niveau des pays européens.

 

La Turquie, le Qatar et l’organisation des Frères… un plan de transfert du terrorisme en Europe

Les organisations terroristes, les groupes extrémistes et les Etats les parrainant ont adopté une voie spécifique pour appliquer leurs politiques visant à imposer la pensée unique refusant toute discussion, et considèrent qu’ils ne peuvent réaliser leurs buts sans recourir à la violence et au terrorisme[viii], c’est pourquoi ils ont élaboré une nouvelle stratégie, à savoir le transfert de leurs éléments terroristes vers l’autre rive, à savoir l’Europe.

Ces organisations comme Daech et al-Qaïda sont un sous-produit du groupe des Frères qui vise à dominer les ports les plus importants pour permettre le départ des migrants clandestins pour l’Europe, et c’est ainsi que nous trouvons les milices des Frères à l’ouest de la Libye et le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan en Turquie, et il ne fait pas de doute que l’instabilité sécuritaire à l’ouest de la Libye, où le gouvernement d’entente nationale dirigé par Faiz as-Sarraj est au pouvoir, a permis aux milices terroristes de dominer le trafic de transfert d’êtres humains vers l’Europe à partir de l’Afrique, et de gagner ainsi des centaines de millions de dollars, tout en introduisant des éléments terroristes parmi les réfugiés pour les implanter en Europe, ce qui est un plan à long terme de l’organisation des Frères révélé par des spécialistes du terrorisme lors d’un colloque à Madrid ayant discuté les dangers du soutien du Qatar au terrorisme, les Frères cherchant à créer des groupes de pression religieuse en Europe en y implantant ses éléments terroristes qui obtiennent ainsi les nationalités européennes et dominent les centres islamiques et les mosquées répandues dans les villes européennes,[ix] et alors que les autorités turques et les milices des Frères supervisent les transferts des éléments terroristes en Europe, les Qataris se chargent de verser des millions d’euros aux éléments des organisations terroristes en Europe, dont la plus grande partie provient du commerce d'êtres humains et des sommes prélevées sur les migrants clandestins.

Le mouvement des réfugiés et des terroristes n’était pas à sens unique de la Turquie vers l’Europe, et les groupes terroristes ont œuvré à exploiter les voies d’émigration clandestine dans les deux sens, et ont pu organiser des migrations inverses qui ont transféré des milliers de terroristes des pays européens vers les zones de combat en Syrie et en Irak, et au milieu de tout cela, des instances turques influentes ont élaboré un système d’émigration des réfugiés et des terroristes en même temps, qui leur ont permis de soutenir les organisations terroristes alliées et le Qatar avec des milliers de combattants, par l’organisation directe de l’entrée en Syrie ou l’adoption de la politique des frontières ouvertes.[x]

La Turquie est restée la porte d’entrée et de sortie de dizaines de milliers de terroristes ayant combattu dans les rangs de Daech, ainsi qu’un passage sûr pour le retour des terroristes ayant exécuté ou planifié des attaques en Europe, comme « Hayat Boumédienne », femme du terroriste Amédy Coulibaly, auteur de l’attaque d’un magasin juif à Paris en 2015, accusée d’être impliquée dans deux attaques terroristes à Paris, et qui est sortie de France en passant par la Turquie, pour aller rejoindre les terroristes de Daech en Syrie.

Tout cela a amené l’Union européenne à prendre conscience du rôle central de la Turquie dans les mouvements migratoires des réfugiés et les déplacements des terroristes, et à faire pression sur Erdogan pour qu’il mette fin à l’afflux d’immigrants en Europe.

La Turquie reste, avec le Qatar, le premier et plus important refuge pour les éléments des organisations terroristes dans le monde, à travers lesquelles ils espèrent dominer les pays arabes et musulmans et ébranler leur stabilité, appliquant ainsi l’idéologie destructrice de l’organisation des Frères.

Et bien qu’Ankara ait signé un accord limitant l’émigration clandestine entre l’Union européenne et la Turquie, Erdogan a continué de menacer l’Europe d’ouvrir les portes de l’émigration à ceux qui le souhaitent, alors que la présence des terroristes de Daech, d’al-Qaïda, d’an-Nosra et des Frères en Turquie reste une bombe entre les mains d’Erdogan, avec laquelle il menace en permanence les pays européens.[xi]

Et malgré la guerre menée par la coalition internationale contre Daech, et la lutte de tous les pays de la région contre les terroristes, de nombreux pays sont persuadés que des instances influentes en Turquie et au Qatar aident les terroristes à sortir de Syrie et d’Irak pour se rendre dans des zones exemptes de dangers. Ainsi, des pays européens ont enregistré le retour de terroristes en passant par la Turquie, après leur affiliation de longue durée à Daech, la Libye étant, selon des rapports de renseignements, leur destination privilégiée après le retour de Syrie et d’Irak. Ces rapports affirment que les autorités qataries ont facilité leur sortie de ces pays vers de nouveaux foyers d’activité. Quant au porte-parole des forces armées libyennes, le colonel Ahmad al-Mismari, il a déclaré que Daech, les branches des Frères et les organisations dépendant d’al-Qaïda s’étaient alliées en Libye pour répandre l’extrémisme, affirmant que le Qatar transférait en Libye via la Turquie les combattants de Daech en Syrie et en Irak. C’est aussi ce qu’a révélé le journal français Drouillet Info dans un rapport du 31 décembre 2017, qui affirme que la Libye est devenue la nouvelle destination de l’organisation Daech, avec l’aide du Qatar et de la Turquie, et rapporte des déclarations du chef d’état-major russe Valéri Guérassimov selon lesquelles un grand nombre d’éléments de Daech en Syrie et en Irak avaient été déployés en Libye de manière visible, et que des membres de l’organisation étaient effectivement arrivés par le biais d’un réseau international dirigé par le Qatar qui a également facilité l’entrée des fonds et des armes en Libye.[xii]

 

La cinquième colonne au profit des organisations terroristes d’Europe

Après le retrait de Daech de certaines zones, nous constatons que les migrants qui s’étaient transformés en terroristes ou au moins avaient rejoint des organisations à activités terroristes ont commencé à retourner dans leurs pays d’origine en Europe en pensant qu’il s’agissait d’une émigration légale pour servir leur prétendu « Etat », car ils n’ont pas laissé le pays du « califat » comme ils l’appellent à cause d’une déception, mais dans le but de réaliser des attaques dans leurs pays d’origine, et ils sont devenus ainsi une cinquième colonne au profit de Daech en Occident.[xiii]

Des milliers de migrants clandestins de Syrie, de Libye, d’Afghanistan, d’Irak, du Pakistan, du Nigéria et d’ailleurs parviennent ainsi en Europe. Or, tous ces pays sont liés au terrorisme et cela n’est pas un hasard, mais il y a une explication plus pessimiste, à savoir celle de l’existence d’un plan turc et qatari par le biais de leurs bras terroristes et à leur tête l’organisation des Frères qui cherche à exploiter l’émigration clandestine pour qu’elle soit le « cheval de Troie » dans la guerre menée par les organisations terroristes en Europe.[xiv]

Tout au long des deux décennies précédentes, l’émigration clandestine a causé du souci aux pays de l’Union européenne à cause de l’afflux de milliers de migrants souhaitant parvenir à la rive nord de la Méditerranée, et elle était alors traitée d’un point de vue purement humanitaire, étant donné les problèmes socio-économiques et juridiques qu’elle suscitait à l’intérieur des pays européens, mais depuis l’explosion de la situation en Syrie, et l’apparition de Daech, c’est l’aspect sécuritaire qui a imposé la façon d’affronter l’émigration clandestine, et l’anarchie qui a envahi la Libye a augmenté les craintes européennes, et les milices des Frères et les combattants de Daech se sont emparés de la ville littorale de Syrte située face aux côtes italiennes, et qui est le passage le plus important utilisé par l’organisation pour faire émigrer les gens.

En effet, Syrte se trouve sur une bande côtière d’environ 150 kms, et elle est considérée comme un passage privilégié pour les candidats à l’émigration clandestine depuis les années 90 du siècle dernier, lorsqu’apparut ce phénomène dans les pays du sud de la Méditerranée. Mais elle est devenue aujourd’hui l’un des éléments essentiels dans le plan terroriste de Daech et des Frères, et la Libye l’un des points de passages privilégiés des réseaux travaillant dans le domaine de l’émigration clandestine[xv], par le biais de canaux pneumatiques transportant des dizaines de migrants vers les côtes italiennes et maltaises, ainsi que vers l’ouest de la Méditerranée en direction de l’Espagne et l’est de la Turquie en direction de la Grèce.

Parallèlement aux résultats, même partiels, réalisés par les forces irakiennes dans leurs opérations contre Daech et leur dispersion des terroristes de l’organisation, les Européens sont en proie à de nouvelles craintes concernant des scénarios qui pourraient être plus dangereux encore que la concentration de l’organisation dans son « Etat » autoproclamé en 2014. Et avec le temps, l’hypothèse d’une transformation de cette concentration en expansion selon les divers axes de menace terroriste est devenue un sujet de préoccupation. Et ce qui confirme cette hypothèse, c’est que parmi les personnes impliquées dans la plupart des opérations terroristes visant des pays européens figuraient des étrangers étant partis combattre avec les organisations terroristes ou ayant suivi des entraînements dans un asile sûr pour terroristes. Et une estimation des deux tiers est un chiffre faible car les terroristes multiplient les précautions pour dissimuler leurs liens, et dans les derniers cas, on n’a découvert l’implication des terroristes qu’après des semaines ou des mois d’enquêtes.

Et ces terroristes expérimentés étaient suspectés, impliqués ou avaient incité aux dizaines d’opérations terroristes qui avaient été déterminées. Et la moitié de ces cas comprenaient des combattants étrangers revenus dans leur pays après avoir été formés dans des camps d’entraînement dépendant des organisations terroristes pour exécuter à leur tour des attaques.

C’est ainsi que l’Europe a été témoin récemment d’une série d’attaques terroristes comme ce qui est arrivé en France en 2015, ou en Allemagne en 2016. La première attaque fut exécutée par un migrant afghan qui a poignardé cinq personnes à bord d’un train, et la seconde par un migrant syrien qui s’est fait exploser, blessant 12 personnes.

Le Danemark fut également touché en février 2015, lorsqu’un homme tira sur la foule lors d’une conférence sur le thème de la liberté d’expression, à Copenhague, tuant une personne et blessant trois policiers, avant d’attaquer une synagogue, tuant une personne et blessant deux policiers.

Les enquêtes ont montré que les auteurs de ces crimes étaient pour la plupart des migrants qui s’étaient infiltrés en Europe durant la seconde moitié de 2014, soit après la proclamation de « l’Etat islamique » (Daech). Avant cette date, l’émigration clandestine était dirigée vers les zones de conflit comme la Syrie et l’Irak, ce qui fut connu sous le nom de « moyens d’assistance à l’organisation terroriste », et après la proclamation de « l’Etat », on commença à planifier l’envoi d’éléments terroristes dans les pays européens pour être utilisés comme moyens de pression par les Etats qui financent le terrorisme et aussi pour diminuer la pression sur l’organisation dans les zones de confrontation militaire. Il est également apparu que des migrants résidant depuis longtemps en Europe figuraient parmi les auteurs de ces opérations, ce qui indique que le problème réside dans l’absence d’intégration des migrants légaux dans les sociétés européennes.

Egalement, si les émigrés ne sont pas intégrés aux sociétés hôtes, il peut naître en eux un sentiment de dépit et si à cela s’ajoute la colère, ils peuvent se retourner – ou en général leurs fils – contre les sociétés d’accueil. Cela explique que nombre de combattants étrangers en Europe sont en réalité des fils d’immigrés[xvi]. La probabilité qu’un réfugié d’Europe de l’ouest se transforme en extrémiste est faible, mais il y a le danger que les émigrés résidant en Europe soient utilisés de façon illégale, et enrôlés par des criminels, des terroristes ou des « réseaux hybrides » composés de ces deux types de personnes, et le dépit face à une société qui refuse de les accepter peut inciter certains d’entre eux à se lancer dans des actes de violence politique.

 

Conséquences de l’émigration clandestine sur la sécurité de l’Europe

Les menaces qui pèsent sur la sécurité varient en général selon la période de temps, le lieu, le type de menace et sa source. De nombreux chercheurs distinguent deux types principaux de menaces pour la sécurité européenne, qui eux-mêmes se subdivisent en d’autres types : tout d’abord, des menaces qui concernent l’aspect interne, comme la diffusion du crime, l’augmentation des actes de violence et de haine, la régression des capacités sécuritaires internes, les divergences politiques entre pays de l’Union et les conflits sociaux, la sécurité des informations, la guerre électronique, les crises économiques, la diminution du nombre d’habitants et le déséquilibre de la pyramide sociale.

Ensuite, une menace externe dont la plus visible récemment est peut-être la tentative des organisations terroristes de transférer leurs opérations du côté européen par le biais de l’émigration clandestine.

Le phénomène de l’immigration clandestine et ses diverses conséquences sont liés aux problèmes de sécurité et aux crises résultant du déséquilibre provoqué par le fait de ne pas l’avoir traité ni cherché à le limiter. Car l’émigration clandestine a eu un impact sur la stabilité de l’Europe, ce qui a entraîné une désorganisation de la sécurité européenne.

Etant donné le lien entre l’émigration et le crime et le terrorisme[xvii], l’Europe est consciente qu’un changement a eu lieu dans le phénomène du crime organisé dans la région méditerranéenne, du fait que le trafic d’êtres humains (émigration clandestine) est plus rentable et plus sûre que le trafic de drogue. En effet, le succès de ce dernier est lié à l’arrivée de la marchandise en Europe, tandis que pour le trafic de migrants, ses organisateurs ne garantissent que le départ, et peu leur importe si l’arrivée à lieu ou si le bateau fait naufrage.

C’est là que réside le problème de l’Europe. Car si elle n’intervient pas, des migrants vont trouver la mort à proximité de ses côtes, et si elle intervient, elle aura soutenu les réseaux de trafiquants de migrants sur la rive sud de la Méditerranée qui enverront davantage de canots de la mort.

D’autre part, la forme que prend l’extension de l’organisation Daech en se rapprochant des frontières européennes est un facteur supplémentaire faisant craindre que cela ne facilite son contrôle sur la mer et son infiltration en Europe, ou le fait qu’elle intercepte ses vaisseaux traversant la Méditerranée. C’est ce à quoi a fait allusion l’ex-premier ministre français Manuel Valls en marge de la conférence des socio-démocrates européens à Madrid le 22 février 2015, lorsqu’il a dit : « Le terrorisme est arrivé aux portes de l’Europe, et la menace est devenue grave et sérieuse ». Autre raison de crainte des Européens : les documents découverts par des organisations internationales dont l’organisation britannique Kwiliam de lutte contre l’extrémisme, qui révèlent que l’organisation va se diriger vers l’Europe dans le but d’exécuter des opérations sur son territoire, et cela en envoyant des djihadistes dans des canots transportant des émigrés clandestins, surtout que la distance séparant la Libye du littoral sud de l’Italie ne dépasse pas 350 kms.[xviii]

 

Conclusion

On qualifie notre siècle de « siècle de la technologie », mais sans exagérer beaucoup, nous pourrions le qualifier de siècle du terrorisme, et en s’approchant davantage de la réalité, on pourrait le qualifier de siècle de l’émigration, et en général, on pense à l’émigration comme le fait pour des gens de traverser des frontières, mais en examinant de plus près l’émigration clandestine, on constate qu’elle est exploitée par des organisations terroristes et des pays qui les parrainent, tout cela pour transmettre leurs maux à l’autre rive et terroriser les gens avec des opérations où la violence est pratiquée d’une façon aveugle et horrible.

C’est pourquoi les pays européens doivent surveiller les frontières pour empêcher l’entrée des terroristes, ce qui est légitime. Mais l’efficacité de cette surveillance est entravée par le fait que nombre de terroristes « locaux » ou étrangers possèdent des permis de séjour légaux, de telle sorte que le terrorisme est importé parfois non pas par des étrangers, mais par des citoyens européens, qui deviennent plus extrémistes lorsqu’ils voyagent à l’étranger, ce qui limite l’efficacité des opérations de régulation de l’émigration pour empêcher le terrorisme. Malgré cela, le recours à ces opérations a augmenté pour réguler l’émigration clandestine.

D’un autre côté, établir un lien direct ou indirect, apparent ou caché, entre l’émigration clandestine et le terrorisme provoque la colère et l’inquiétude chez les émigrés et attise leurs sentiments hostiles à l’Etat. Dans ce cas, l’hostilité aux étrangers augmente parallèlement à la probabilité de conflits entre les secteurs de la société. C’est pourquoi établir un équilibre entre les droits de l’homme et la sécurité n’est pas une mission facile pour les gouvernements qui cherchent à renforcer la sécurité, et les émigrés n’ont pas en général une situation favorable dans leurs pays d’origine, et les organisations terroristes exploitent cet état de choses.

Il y a d’autres façons de lutter contre le transfert du terrorisme par le biais de l’émigration clandestine vers l’Europe, dont les dommages collatéraux sont bien moindres que ceux des mesures légales et sécuritaires prises par l’Union européenne : il s’agit de la lutte contre l’idéologie des organisations terroristes et leur infrastructure, et du fait de traiter sévèrement les pays qui soutiennent l’extrémisme et le terrorisme, et selon moi de tels choix sont plus prometteurs que la surveillance des mouvements de tous les individus en espérant mettre la main sur quelques terroristes parmi eux.

 

 

[i] Mohammad Azhari Saïd as-Sammak, Géographie du monde arabe d’un point de vue contemporain, Dar al-Amal, Jordanie, 1ère éd., 2000, p. 86.

[ii] Elali Hakima, Les paris sécuritaires en Méditerranée, Revue algérienne de la sécurité et du développement, Alger, Université de Batna, Faculté de droit et de sciences politiques, département de sciences politiques, numéro 2, 2002, p. 42.

[iii] Conseil de l’Union européenne, Thessalonique, 19 et 20 juin 2003.

[iv] Bularas Bulam et Jababla Farid, le crime organisé et le terrorisme international, revue de l’Armée, Alger, Organisme des publications militaires, 2017, p. 23.

[v] Idem, p. 45.

[vi] Le continent européen va-t-il fermer ses frontières face aux réfugiés ? Al-Arabiy al-Jadid, 4 mars 2016.

[vii] Hayel Abdel Mula Tachtuch, la sécurité nationale et les éléments de la force de l’Etat dans le cadre du nouvel ordre international, Dar al-Hamid pour la publication et la distribution, Omman, 1e éd., 2017, p. 155.

[viii]  Patrick Debuck, l’Union européenne, l’expérience et les défis, colloque de l’Union européenne, Académie Nayef pour la sécurité, Riyad, 6/6/2006, pp. 1-3.

[ix] Colloque de Madrid, le Qatar verse 125 millions d’euros aux Frères d’Europe et aide le terrorisme, al-Arab al-Londoniya, 26 octobre 2017.

[x] Colloque de Madrid: source précédente.

[xi] Conférence “le Qatar et les coulisses des crises au Moyen-Orient, CEMO, Paris, 6 octobre 2017.

[xii] Doha utilise Daech pour provoquer la sédition en Libye, Revue émiratie al-Ittihad, 31 décembre 2017.

http://www.alittihad.ae/details.php?id=116&y=2018

[xiii] Hamzawi Guwayda, la conception sécuritaire européenne: vers une structure sécuritaire complète et une identité stratégique en Méditerranée, mémoire de Magistère en sciences politiques, Université de Batna, Faculté de droit et de sciences politiques, 2016, p. 121.

[xiv] Abdel Fattah Abdel Kafi Ismaïl, le terrorisme et la façon de le combattre dans le monde moderne, Dar Huma pour l’impression, la publication et la distribution, Alger, 2016, p. 82.

[xv] La Libye, point de départ de l’émigration clandestine vers l’Europe, al Quds al-Arabiy, 22 avril 2015.

[xvi] Hamzawi Guwayda, La conception sécuritaire européenne, source précédente, p. 133.

[xvii] Linda Akroum, l’impact des nouvelles menaces sécuritaires sur les relations entre les pays du nord et du sud de la Méditerranée, Université de Biskra, Faculté de droit et de sciences politiques, département de sciences politiques, 2010, p. 43.

[xviii] Le continent européen va-t-il fermer ses frontières face aux réfugiés ? L’Arabe nouveau, 4 mars 2015. Sur le lien : http://www.alaraby.co.uk/politics/3/3/2015

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