Vladimir Poutine et sa haine pour l’Occident
Avec les
dernières déclarations de Vladimir Poutine concernant l’Occident, se pose la
question suivante : cette guerre déclenchée contre l'Ukraine est-elle
aussi une guerre de civilisation contre l'Occident, du moins la vision qu'en a
le président russe ?
À
cette question, on peut répondre « oui ». Depuis le début de
l'invasion russe en Ukraine, Vladimir Poutine justifie cette agression comme
une riposte à des forces hostiles à Moscou représentées à Kiev par le président
Zelensky et son gouvernement, manipulés, achetés, corrompus, par des
Occidentaux qui veulent en quelque sorte « dé-slavifier » le
territoire ukrainien qui, pour Poutine est une partie intégrante de l'espace
russe.
Ces
convictions qui ne datent pas d'hier, le dirigeant du Kremlin les a répétées
avec force, il y a quelques jours, lors de son discours pour officialiser le
rattachement à la Russie des quatre territoires ukrainiens occupés par les
soldats russes ou les forces séparatistes. Pour lui, l'Occident, c'est
devenu le mal absolu. N'hésitant pas à réécrire l'histoire, même si certaines
assertions ne sont pas fausses, Vladimir Poutine se victimise et affirme que ce
sont les Occidentaux qui sont responsables de la guerre avec leur « désir
de maintenir un pouvoir illimité » en Ukraine et ailleurs, et pourquoi
pas en Russie ?
C'est
donc pour conjurer cette menace existentielle que l'intervention russe a été
rendue nécessaire. Par cette inversion rhétorique, Vladimir Poutine se présente
comme celui qui réagit à une agression et une volonté colonialiste et
impérialiste. Alors, qui adhère à cette vision plus que contestable ? Qui
utilise des agissements passés bien réels des occidentaux - impérialisme,
colonialisme - pour justifier son entreprise précisément coloniale d'une
certaine manière ? Dans ce combat des narratifs, dans cette guerre
civilisationnelle, il sait qu'il peut compter sur des relais précieux en
Occident et sur d'autres continents qui ont souffert dans l'Histoire des appétits
occidentaux.
En
Europe, c'est un paradoxe : les courants de pensée qui soutiennent la
« doxa poutinienne » sont en général des penseurs ou des
politiques d’obédience souverainiste et nationaliste – donc en principe qui
défendent les intérêts de leur patrie. Eh bien non, ils s'alignent sur la
vision de Poutine en expliquant qu'il s'agit du modèle à suivre.
Ailleurs,
en particulier en Afrique, le Kremlin joue habilement du ressentiment légitime
d'une partie des populations contre les anciennes puissances
coloniales. Il n'hésite pas à envoyer la milice Wagner sur place et
entretient la propagande anti-occidentale sur place, pour déstabiliser
notamment la France.
Cette
offensive idéologique s'accompagne aussi d'une attaque contre les valeurs
décadentes de l'Occident, les questions de genre sont notamment utilisées pour
séduire des publics sensibles au maintien de valeurs plus
traditionnelles.
Cette
offensive qui sert donc de justification à la guerre en Ukraine fonctionne en
partie. Mais, presque huit mois après le début de la guerre en Ukraine, elle
est aussi contestée par une majorité de pays – en témoigne le dernier vote à
l'Assemblée générale de l'ONU. Et surtout, dans cette guerre de civilisation,
Poutine, qui s'imaginait un Occident faible et divisé, a réussi à réveiller
l'Europe et l'Otan. Mais cette guerre idéologique n'est pas terminée et
c’est cela, aussi, qui se joue en Ukraine.