Frappes meurtrières en Ukraine deux jours après l’explosion sur le pont de Crimée
mardi 11/octobre/2022 - 10:47
Poutine promet des répliques « sévères » en cas de nouvelles attaques contre la Russie ; l’UE et l’OTAN dénoncent des « crimes de guerre ».
Des bombardements russes meurtriers d’une ampleur inégalée depuis des mois ont frappé Kiev et d’autres villes d’Ukraine lundi, deux jours après l’explosion qui a partiellement détruit le pont de Crimée, les alliés occidentaux dénonçant aussitôt de nouveaux « crimes de guerre » et des attaques « aveugles ».
Au même moment, la Biélorussie faisait craindre l’ouverture d’un nouveau front à la frontière nord de l’Ukraine en annonçant un déploiement aux contours non précisés de troupes conjointes avec son allié russe, et était accusée par Kiev de laisser utiliser son territoire pour des attaques de drones.
« Ils essaient de nous détruire tous, de nous effacer de la surface de la terre », a réagi le président ukrainien Zelensky sur les réseaux sociaux lundi alors que les missiles frappaient les villes d’Ukraine, réclamant à ses alliés occidentaux une réponse « dure » face à la Russie. « Ils veulent détruire le système énergétique », a estimé Volodymyr Zelensky, alors que des coupures d’électricité affectaient en fin de matinée de nombreuses régions ukrainiennes. Le Premier ministre ukrainien, Denis Chmygal, a indiqué que onze infrastructures importantes avaient été endommagées dans huit régions en plus de la capitale Kiev. Dans un bilan provisoire, les services de secours ukrainiens ont fait état de 11 morts et 64 blessés à travers le pays.
Selon la Défense ukrainienne, l’armée russe a lancé 83 missiles, dont 43 missiles de croisière, et 52 de ces missiles ont été interceptés par la défense aérienne.
Une demi-douzaine de déflagrations ont été entendues à Kiev, avec des frappes sur plusieurs quartiers dont le centre-ville. « Il y a plusieurs frappes sur l’infrastructure critique de la ville », a déclaré le maire Vitali Klitschko. Selon Vitali Klitschko, qui a appelé la population à se mettre à l’abri en cas de nouvelle alerte, 5 personnes sont mortes et 51 ont été blessées rien que dans la capitale ukrainienne.
L’Union européenne a estimé que ces attaques russes s’apparentaient à des « crimes de guerre » dont les responsables devront « rendre compte », appelant par ailleurs la Biélorussie à « ne pas être partie à l’agression brutale menée par la Russie ».
Attaques barbares
« Ces attaques barbares démontrent que la Russie opte pour une tactique de bombardements aveugles de civils », a ajouté Peter Stano, porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. L’OTAN a condamné des « attaques horribles et aveugles » contre des infrastructures civiles. L’alliance soutiendra l’Ukraine « aussi longtemps qu’il le faudra », a affirmé son secrétaire général Jens Stoltenberg. Le secrétaire général Antonio Guterres s’est dit « profondément choqué » et a dénoncé « une nouvelle escalade inacceptable de la guerre » dont les civils « paient le prix le plus élevé », selon son porte-parole Stéphane Dujarric.
Le président français Emmanuel Macron a déploré un « changement profond de la nature » de la guerre en Ukraine après les frappes russes, ajoutant qu’il réunirait ses conseillers diplomatiques et militaires pour « faire un point » sur la situation. M. Macron a fait part au téléphone à M. Zelensky de son « extrême inquiétude », réaffirmant « l’engagement de la France à accroître son soutien à l’Ukraine (...) y compris en matière d’équipement militaire ». « Viser intentionnellement les populations civiles constitue un crime de guerre », a également mis en garde la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna.
Dénonçant des bombardements « inacceptables », le chef de la diplomatie britannique James Cleverly a dit avoir assuré son homologue ukrainien Dmytro Kuleba du « soutien moral et concret » de Londres.
Berlin a de son côté annoncé une réunion d’urgence virtuelle mardi des dirigeants du G7 et du président ukrainien Volodomyr Zelensky. L’Allemagne a assuré que la livraison d’un premier système de défense antiaérienne promis de longue date à l’Ukraine et capable de protéger une ville entière était imminente. Qualifiant les frappes russes des dernières heures de « méprisables », la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a affirmé sur Twitter : « Nous faisons tout pour renforcer les défenses aériennes de l’Ukraine. »
Le président russe Vladimir Poutine a pour sa part expliqué, lors d’une réunion de son conseil de sécurité, que la Russie avait lancé une campagne « massive » de bombardements « contre l’infrastructure énergétique, militaire et de communication de l’Ukraine », en réplique à l’attaque « terroriste » du pont de Crimée. Il a promis des répliques « sévères » en cas de nouvelles attaques ukrainiennes contre la Russie. Les frappes « ont atteint leur objectif », a assuré le ministère de la Défense russe.
Dimanche, M. Poutine avait accusé l’Ukraine d’avoir organisé l’explosion qui a détruit une partie de ce pont qu’il avait lui-même inauguré en 2018 et reliant à la Russie la péninsule annexée en 2014. L’ex-président Dmitri Medvedev, actuel numéro 2 du conseil de sécurité russe réuni lundi, a été plus loin, promettant d’ores et déjà que ces frappes n’étaient qu’un « premier épisode » et appelant au « démantèlement total du régime politique de l’Ukraine ». Kiev n’a ni confirmé ni démenti son implication dans cette explosion survenue samedi matin.
Accusations biélorusses
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères a en retour affirmé que la Russie menait ces frappes massives en désespoir de cause afin d’essayer de changer le cours de la guerre dans laquelle elle est en difficulté. « Poutine est désespéré à cause des défaites sur le champ de bataille, et il utilise le terrorisme des missiles pour essayer de changer le rythme de la guerre en sa faveur », a fustigé Dmytro Kouleba sur Twitter.
Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a de son côté accusé Kiev de préparer une attaque contre son pays, ajoutant qu’en conséquence Minsk et Moscou allaient déployer des troupes russo-biélorusses, sans préciser leur localisation. Il a aussi a accusé la Pologne, la Lituanie et l’Ukraine de préparer des attaques « terroristes » et un « soulèvement militaire » en Biélorussie,
L’armée ukrainienne a accusé la Russie d’avoir lancé des attaques avec des drones iraniens depuis la Biélorussie. De son côté, la Moldavie a déclaré que « trois missiles de croisière lancés ce matin sur l’Ukraine par des navires russes en mer Noire » avaient violé son espace aérien.
Les bombardements russes interviennent alors que la Russie enchaîne les revers depuis début septembre en Ukraine, perdant du terrain dans le sud comme dans le nord-est du pays.
À Moscou, la Bourse chutait de près de 12 % lundi à l’ouverture, l’indice principal Moex (en roubles) perdant 11,9% le matin, à 1 780,39 points, et passant brièvement sous la barre des 1 800 points pour la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine le 24 février.