Les exigences de la lutte contre le terrorisme examinées par les membres du Conseil de sécurité, à la lumière notamment des évolutions de Daech
Pour affiner cette lutte, le haut fonctionnaire a tout d’abord recommandé d’acquérir une meilleure compréhension et de faire un suivi continu de Daech, ce qui exige un renforcement de la coopération internationale et régionale, notamment par le partage d’informations. Une autre manière de lutter contre ce terrorisme, a-t-il ajouté, est de résoudre les conflits dans lesquels Daech et Al-Qaida prospèrent. De même, pour se débarrasser de ce fléau sur le long terme, il a appelé à s’attaquer aux vulnérabilités, griefs sociétaux et inégalités exploités par le groupe, sans oublier la protection des droits humains et le respect de l’état de droit.
Selon son compte rendu, Daech et ses affiliés continuent d’exploiter les restrictions liées à la pandémie et de se servir des espaces numériques pour intensifier le recrutement et attirer des ressources. M. Voronkov a chiffré à « entre 25 et 50 millions de dollars » les actifs que les dirigeants de Daech parviennent à mobiliser. L’an dernier, a-t-il poursuivi, le groupe a augmenté de manière significative l’utilisation de systèmes aériens sans pilote, notamment dans le nord de l’Iraq. Sur le plan territorial, il a expliqué que Daech se déploie non seulement en Iraq et en Syrie, à travers des « bureaux », mais aussi en Afghanistan, en Somalie et dans le bassin du lac Tchad, avec des cellules très actives. L’Afrique, en particulier, a suscité son inquiétude et celle des membres du Conseil, car la situation s’y est encore détériorée depuis le dernier rapport du Secrétaire général.
Un autre exposé est venu éclairer le Conseil sur le risque couru par le continent africain, celui de M. Martin Ewi, chercheur à l’Institut d’études de sécurité, pour qui l’Afrique pourrait devenir « un califat ». Il a dénombré au moins 20 pays africains ayant subi directement une activité de Daech et plus de 20 autres utilisés comme base logistique ou de collecte de fonds. À ce jour, aucune des cinq régions géopolitiques africaines n’est épargnée, a-t-il constaté. Si, comme il l’a précisé, le terrorisme en Afrique est plus ou moins une lutte pour les ressources naturelles, le fléau se propage aussi du fait de la frustration des populations, en particulier des jeunes, face aux injustices mondiales. M. Ewi a aussi fustigé la « politique de l’autruche » des dirigeants africains qui n’ont jamais actionné les mécanismes d’alerte précoce. Le chercheur a également imputé le phénomène à la pratique du « deux poids, deux mesures » de la communauté internationale. Si celle-ci a formé la Coalition internationale contre Daech en Syrie et en Iraq, elle n’a rien fait quand le terrorisme s’est propagé en Afrique, a-t-il pointé.
Ce même sentiment a été partagé par des membres du Conseil, à l’instar de la Chine qui a accusé certains pays de « fermer les yeux sur certaines organisations terroristes » ou de les « utiliser à des fins géopolitiques ». Ce qui a fait dire au Ghana qu’« il n’y a pas de bons et de mauvais terroristes », avant que le Kenya n’appelle le Conseil de sécurité à rester uni et impartial en déployant sa lutte antiterroriste, y compris au sujet des régimes de sanctions imposées aux groupes terroristes. Dans cette même lancée, l’Inde a marqué sa surprise de voir que le rapport du Secrétaire général ait choisi de ne pas tenir compte des activités de plusieurs groupes interdits dans sa région, en particulier ceux qui ont ciblé son pays à plusieurs reprises. Faisant le même constat, la Fédération de Russie a prévenu que la coopération multilatérale et bilatérale de son pays ne se poursuivra qu’avec ceux qui ont vraiment l’intention de combattre les terroristes, et en aucun cas avec ceux qui veulent « les recycler et les parrainer ».
« Le terrorisme n’existe pas dans le vide », a rappelé pour sa part le Directeur exécutif par intérim de la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (DECT), qui a vu dans la série actuelle de défis mondiaux un risque d’aggravation de la menace et une complication pour les réponses antiterroristes. M. Weixiong Chen a d’ailleurs repris le constat de M. António Guterres qui voit la crise alimentaire mondiale comme un catalyseur supplémentaire à la propagation du terrorisme et de l’extrémisme violent. M. Voronkov a, lui aussi, réitéré les appels du Secrétaire général aux États pour qu’ils rapatrient leurs ressortissants détenus dans les prisons syriennes, notamment les ex-combattants de Daech et les membres de leur famille. Sans cela, « la radicalisation et le recrutement en milieu carcéral continueront d’alimenter les réseaux de la terreur », a prévenu le Brésil.
« C’est une crise des droits humains », a tranché la délégation des États-Unis en se disant prête à aider les États souhaitant rapatrier leurs ressortissants. Sur le plan judiciaire, la France a estimé que tous les terroristes doivent être jugés aussi près que possible du lieu où leurs crimes ont été commis, là où les preuves de leurs actes peuvent être trouvées et où les victimes pourront recevoir réparation. De son côté, le Mexique a salué le fait que le rapport du Secrétaire général aborde, pour la première fois, la question de la masculinité dans le phénomène terroriste. Pour sa part, l’Irlande a encouragé le Chef de l’ONU, qui prépare un rapport sur les moyens de renforcer les droits humains et l’égalité des sexes dans les efforts du système des Nations Unies contre le terrorisme, à promouvoir une large consultation avec les États Membres, les entités du Pacte mondial des Nations Unies et la société civile. Le système des Nations Unies a d’ailleurs été invité, par les Émirats arabes unis, à ne plus utiliser l’expression « État islamique » dans leur référence à Daech, et à empêcher l’exploitation de la religion par d’autres groupes terroristes.