Entités salutistes... Y-a-t-il vraiment une différence?
Maher Farghaly
Le salafisme est partagé entre
plusieurs tendances et mouvances dont les divergences peuvent aller jusqu'à la
contradiction flagrante. Mais en dépit de cela, leurs discours présentent des
similarités. Leur danger potentiel vient du fait qu'ils constituent des blocs
mobiles oeuvrant dans un même cadre mais peuvent subitement abandonner un bloc
au profit d'un autre en fonction des circonstances. Et c'est là que réside le
danger.
A tittre d'exemple, "Le
Mouvement des adeptes de la sounna mohamedienne'' estime que la démocratie est
''un régime mécréant'' mais qu'il est ''permis'' d'être candidat aux élections
afin d'en éradiquer le mal. Ce mouvement ainsi que celui de la ''Gam'iya
al char'iya'' (L'Association pour la charia), ne reconnaissent pas la constitution
d'un parti politique hors de leur idéologie de la sounna et du
consensus.
Ce ''salafisme scientifique"
croit à l'action en groupe organisé mais réfute toute idée de travailler
au sein des institutions étatiques qu'il considère non islamiques. Raison pour
laquelle, une organisation complète – avec des mécanismes et un système strict,
des branches et des responsables – a été mise sur pied sous la houlette
de Mohamed Abdel Fattah Abou Idris, de Saïd Abdel Azim (superviseur
du Conseil exécutif de la mouvance salafiste). Tous les cheikhs qui font leur
apparition sur les chaînes de télévision satellitaires en Egypte,
suivent cette tendance.
Les plus dangereux sont -
selon les observateurs - "Les salafistes amovibles'' qui refusent de
constituer leur propre groupe mais incitent leurs partisans à suivre et à
coopérer avec les groupes terroristes y compris l'organisation Al Qaïda. Tous
les éléments des groupes armés, arrêtés en Egypte, confessent avoir été
des disciples de Mohamed Abdel Maqsoud et de Fawzy Al Saïd.
''La tendance interne'' sous la
houlette d'Ossama Al Qawsi et de Mahmoud Amer qui avait émis une fatwa
permettant la mise à mort de Mohamed Al Baradei, est aux antipodes des autres
tendances. Elle réfute l'idée de se révolter contre un gouvernant fut-il
injuste et despote. Mais paradoxalement, Al Qawsi a déclaré qu'il était
permis de manifester, après le 25 janvier et a présenté ses excuses aux jeunes
manifestants, tandis que Mahmoud Amer a décidé de postuler à la
présidentielle.
La situation a changé après la
révolution avec l'apparition de plusieurs centaines de mouvances salafistes
dont certaines se liguent avec d'autres régimes ou systèmes tandis que d'autres
réfutent cette idée. En dépit de leurs divergences sur leurs visions
politiques respectives, toutes ces mouvances ne sont pas fondamentalement
différentes en ce qui concerne leurs caractéristiques et les discours qu'ils
véhiculent.
La troisième tendance
Elle est apparue au lendemain de
la révolution du 25 janvier suite à une alliances des mouvements tels que ''Le
Front salafiste'', ''Le Mouvement des étudiants de la charia'' et ''La Tendance
nouvelle de l'islam'' dans le but de contrecarrer ce qu'ils appellent ''le
pragmatisme des Frères musulmans et des salafistes''
''Le salafisme
traditionnel'' s'intéresse plutôt à la Daawa et à l'éduaction, loin de la
sphère politique. ''Le salafisme réformiste'' accepte quant à lui l'action
politique.Tandis que ''Le salfisme jihadiste" prône lui la rébellion
contre un régime despotique.
Les adeptes de ces sphères
salafistes peuvent transhumer d'une sphère à une autre et dans tous les
sens. Ce qui procure un dynamisme considérable au salafisme.
En ce qui concerne les positions
politiques, l'on note qu'en Egypte, les salafistes sont répartis entre "Le
Mouvement des adeptes de la sounna mohamedienne'' et ''L'Association de la
charia''. On retrouve aussi "Le salafisme scientifique'' qui prône la
science et le savoir et qui a donné naissance au parti ''Al-Nour''
En fonction des points de vue
divergents selon les circonstances, sont apparus ''Le salafisme amovible'' qui
suit les enseignements de Sayyid Qutb, ''Le salafisme jihadiste'' dont les
adeptes sont concentrés à Choubra et dans le gouvernorat de Beheira, ''Le
salafisme de la pureté et de l'éducation'' qui ne s'intéresse pas à l'action
politique et enfin ''Le salafisme interne'' qui voue une obéissance aveugle aux
leaders.
Les salafistes après la
Révolution
Avant la révolution du 25
janvier, les entités salafistes se présentaient sous forme de fondations et
d'associations à l'instar de L'Association de la charia, Le Mouvement des
adeptes de la sounna mohamedienne et La Daawa salafiya d'Alexandrie qui prône
l'action en groupe et a fondé le parti Al-Nour le 13 juin 2011.
Le mouvement islamiste a fondé le
Parti de la construction et du développement pour prendre part aux élections
législatives mais n'y a gagné que quelques sièges. Puis les djihadistes
ont formé le Parti de la paix et du développement et ont poursuivi leur
action contrairement aux autres mouvances.
Il importe de signaler que ''la
troisième tendance'' est entrée en contact avec bon nombre de mouvements
islamistes et plusieurs oulémas parmi les plus influents afin de répandre
l'idéologie dans tous les gouvernorats d'Egypte.
Les membres
d'anciennes organisations djihadistes ont également formé le mouvement
''Islamistes révolutionaires''. Tout comme sont apparus les mouvements tels que
''Hazimoune'' (partisans de l'ex-candidat à la présidentielle, Hazem Salah Abou
Ismaïl ) et ''l'organisme de la protection des droits et des libertés''
qui prône l'unité des mouvements, et "Le Front salafiste'' qui regroupe
plusieurs personnalités salafistes indépendantes.
D'autres formations ont également
vu le jour. On peut en citer ''L'Alliance des jeunes Egyptiens'', ''L'Alliance
pour le soutien des musulmans nouveaux'', ''Les salafistes de Cosa'', apparu en
avril 2011 après le référendum sur la Constitution avec pour but de rapprocher
les tendances.
Le salafisme fluide
L'on remarque que les entités
salafistes nouvelles sont formées sans planification préalable et se
caractérisent par l'absence des références anciennes et la non utilisation des
mosquées pour leur expansion. Ce qui prédit l'apparition de nouvelles
autres entités.
Les nouvelles tendances ne sont
plus dans le sillage des anciennes. Elles prennent part aux manifestations
contrairement aux anciennes qui soutiennent le Conseil militaire.
Ce qui précède dénote
un changement considérable dans le mouvement salafiste qui est passé de la
formation des groupuscules dirigés par certains leaders, aux entités de
prosélytisme idéologique et politique qui changent au gré des évènements.
D'où le danger potentiel de ces sphères amovibles et
interpermutables.