Au Yémen, la trêve n’efface pas le risque d’insécurité alimentaire
dimanche 21/août/2022 - 03:10
Riyad doit tout faire pour pacifier le Yémen, condition sine qua non pour relancer la machine économique et alimentaire.
Au Yémen, pays le plus pauvre du monde arabe, où sévit, depuis 2015, un conflit larvé ayant entrainé l’une des « pires crises humanitaires » du monde, selon les Nations unies (ONU), il n’y a pas que la guerre qui provoque morts et drames. Début août, des plus torrentielles se sont abattues sur le sud-ouest du pays, ainsi que sur Sanaa, la capitale, provoquant des crues soudaines, des effondrements de maisons, et causant le décès d’une quarantaine de personnes.
Comme un signe malheureux du destin, la saison des pluies, au Yémen, qui dure généralement de mai à août, a été particulièrement catastrophique cette année. Si bien que l’UNESCO, l’Agence de l’ONU pour l’éducation, la science et la culture, a tiré la sonnette d’alarme au début du mois. Rapidement rejointe par la FAO, l’organisation onusienne pour l’alimentation et l’agriculture, un peu plus récemment.
Parce qu’en plus de la guerre et des éléments déchainés, le Yémen pourrait avoir à affronter une crise alimentaire de grande ampleur. « Neuf des 22 gouvernorats [du pays] sont classés au niveau d’alerte élevé », a révélé l’agence de l’ONU dans son dernier rapport sur la situation humanitaire au Yémen. En cause, la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine, fin février dernier, qui fait vaciller le prix des aliments (particulièrement celui des céréales), « inabordables pour les familles vulnérables ».
Quand bien même le conflit, entre les forces rebelles yéménites (les Houthis, des chiites soutenus par l’Iran) et la coalition internationale emmenée par l’Arabie saoudite, connaît une « diminution historique », selon la FAO, le coût de la vie ne cesse d’augmenter, et quatre des neuf gouvernorats précédemment cités connaissent une « insécurité alimentaire grave persistante » depuis le début de l’année. Soit 40 % des Yéménites, selon une évaluation nationale d’avril dernier.
« Trêve »
Par ailleurs, note l’ONU, outre les conséquences de la guerre en Ukraine, l’impact du changement climatique continue d’affecter les moyens de subsistance de la population. Après 2014 et 2000, 2022 reste en effet la troisième année la plus sèche des quatre dernières décennies, les précipitations diminuant en moyenne de 0,3 mm par an, tandis que des « schémas extrêmes » (sécheresses, inondations, etc.) sont à redouter à l’avenir.
Si « les gains positifs résultant de la trêve [au Yémen] sont évidents, grâce à l’amélioration de l’accès, de la disponibilité du carburant et de la mobilité », selon la FAO, la plupart des agriculteurs ont d’ores et déjà perdu la première saison de plantation, et un tiers des ménages signalent une réduction des surfaces plantées. Autant de difficultés auxquelles il faut ajouter l’interdiction d’exporter imposée par des pays importateurs alternatifs, comme l’Inde, ce qui exacerbe davantage la hausse des prix alimentaires.
Les regards, désormais, sont tournés vers le tout nouveau Conseil présidentiel, formé en avril dernier et chapeauté par l’Arabie saoudite – terre d’exil du président yéménite, Abd Rabbo Mansour Hadi -, afin qu’il fasse le nécessaire pour prolonger l’accord de cessez-le-feu avec les rebelles houthistes, situés dans le nord du pays. Riyad, qui se sert de son voisin pour guerroyer par procuration avec l’Iran, son ennemi juré, doit tout faire pour pacifier le Yémen, condition sine qua non pour relancer la machine économique et alimentaire.
Le royaume saoudien, dont la position, au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG), est de plus en plus contestée (silencieusement pour l’instant), doit également se rapprocher des Émirats arabes unis (EAU), membres de la coalition intervenant au Yémen, qui règnent sur le sud du pays, pour les obliger à remettre un peu d’ordre dans la région, tandis que des dissensions se font jour, de plus en plus, entre les sécessionnistes du Sud, des unités proches des Frères musulmans et des troupes émiraties.