À la présidence européenne, Prague a les yeux rivés sur l’Ukraine
La République tchèque
relaye la France, depuis le 1er juillet, à la présidence tournante du
Conseil de l’UE. Pays d’Europe centrale, l’ex-satellite de la Russie communiste
se considère aux premières loges de la guerre en Ukraine.
L’image a frappé les
esprits. Le 15 mars 2022, alors que des milliers d’Ukrainiens fuient les bombes
russes qui s’abattent sur leur pays depuis vingt jours, le Premier ministre tchèque Petr Fiala saute
dans un train pour Kiev, la capitale ukrainienne, aux côtés de ses homologues
polonais et slovène. Ils sont les premiers
dirigeants étrangers à venir apporter leur soutien au président Volodymyr
Zelensky. Les premiers, aussi, à exhorter les Européens
à donner très rapidement à l’Ukraine le statut de candidat à
l’adhésion à l’Union européenne.
C’est chose faite depuis le 23 juin. Avant
même que Petr Fiala, 57 ans, ne prenne le relais d’Emmanuel Macron à la
présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, pour six mois (jusqu’au
31 décembre 2022). Mais le dirigeant libéral tchèque, ex-prof de sciences
politiques et fervent défenseur de l’UE – qui lui a inspiré plusieurs livres –
ne se fait pas d’illusions. Son mandat s’achèvera probablement avant cette
maudite guerre, qu’il place en tête des priorités de sa présidence.
Une sombre histoire commune
L’Ukraine
se bat pour notre liberté et pour [la Tchéquie] ce ne sont pas que des mots,
a-t-il commenté avec émotion, mi-juin. Membre de l’UE depuis 2004, ce pays
d’Europe centrale se sent d’autant plus proche de l’Ukraine qu’ils ont tous les
deux vécu de longues décennies sous le joug soviétique, avant de s’en libérer,
en 1989.
Le peuple tchèque sait ce qui se passe
quand on fait des compromis avec des tyrans, a rappelé Volodymyr
Zelensky, en visio devant le parlement tchèque, le 15 juin.
Allusion à 1939, quand les Occidentaux ont laissé Hitler occuper les provinces
tchèques de Bohème et Moravie. Puis au 21 août 1968, quand les chars
soviétiques ont écrasé le soulèvement pro-démocratie du Printemps de Prague.
Craignant un bain de sang identique à celui
infligé aux Hongrois en 1956, le Premier ministre réformateur tchécoslovaque
Alexander Dubcek avait alors exhorté son peuple à ne pas s’opposer par les
armes aux troupes étrangères. Une centaine de dissidents ont été tués, les
dirigeants muselés et le pays placé sous la tutelle de Moscou jusqu’à la chute
du communisme et la révolution de velours » (1989) , qui
a propulsé au pouvoir Václav Havel.
Des armes et des lits
Plus
question de courber l’échine. Partisan d’un renforcement de l’Europe de la
défense et de l’Otan, Prague a déjà livré plus de 140 millions d’euros d’armes
à Kiev.
Hostile à l’accueil des migrants lors de la
crise de 2015, la Tchéquie prend largement sa part, cette fois. Ce petit pays
d’à peine 11 millions d’habitants accueille le plus de réfugiés ukrainiens (380
000) après la Pologne (1,18 million) et l’Allemagne (663 000).
Faut-il
accélérer l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne ?
Minée par l’inflation (+ 16 % en un an), la
Tchéquie continue de prôner un renforcement des sanctions contre Moscou.
Dépendant du pétrole russe à 50 %, le pays a toutefois négocié, comme la
Hongrie, un délai avant de stopper ses importations, fin 2023. Et il aura du
mal à se passer du gaz russe (quasiment sa seule source d’approvisionnement)
d’ici décembre, comme l’ont évoqué le 26 juin les ministres européens de
l’Énergie.
Qu’importe. Pour Prague, libérer les
Européens du joug énergétique russe est plus pressant que la transition
énergétique. De quoi faire grincer des dents à Bruxelles… Personne n’a oublié
les réticences du pays à rallier l’objectif européen de neutralité carbone
d’ici à 2050. Et son acharnement à décrocher des aides pour amorcer la
transition, grâce au nucléaire, alors que le charbon occupe encore la première
place dans son mix énergétique (le pays compte encore 24 centrales à charbon).
Pas d’ambiguïté, veut rassurer la ministre
de l’Environnement, Anna Hubackova : Le Pacte vert pour l’Europe recoupe
nos priorités.Plus surprenant, Prague songe déjà à la rénovation de
l’environnement endommagé en Ukraine.
À la présidence européenne, Prague a les
yeux rivés sur l’Ukraine