En Libye, les manifestations se multiplient sur fond de chaos politique
Les dirigeants rivaux en Libye se
trouvent sous une pression croissante de la rue avec des manifestations à
travers le pays provoquées par des coupures d'électricité incessantes.
L'autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Haftar a affirmé
"soutenir les revendications de citoyens".
Englués dans une impasse
politique inextricable, les dirigeants rivaux en Libye se trouvent sous une
pression croissante de la rue avec des manifestations à travers le pays
provoquées par des coupures d'électricité chroniques en pleine canicule.
Vendredi
1er juillet à Tobrouk, dans l'extrême est du pays, des
manifestants ont forcé l'entrée du Parlement à l'aide d'un bulldozer avant d'y
mettre le feu. Les manifestants, dont certains ont
brandi le drapeau vert de l'ancien régime de Mouammar Kadhafi, ont crié leur
colère contre l'incurie de leurs dirigeants et la détérioration des conditions
de vie dans un pays pourtant doté des réserves pétrolières les plus abondantes
d'Afrique.
Le
Parlement est l'un des symboles de la division de la Libye entre un camp basé en
Cyrénaïque (est du pays), dont le chef de file est le maréchal Khalifa Haftar, et un gouvernement
basé à Tripoli (ouest), dirigé depuis 2021 par Abdelhamid Dbeibah.
Échec
des pourparlers
Le secrétaire général des
Nations unies, Antonio Guterres, a appelé "tous les acteurs à s'abstenir
de toute action qui pourrait nuire à la stabilité" et les a exhortés
"à se rassembler pour surmonter l'impasse politique persistante", a
rapporté le porte-parole onusien Stéphane Dujarric dans un communiqué.
Des pourparlers menés sous
l'égide de l'ONU ont échoué cette semaine à résoudre les divergences entre les
institutions libyennes rivales.
Le camp Haftar appuie un
gouvernement rival formé en mars dernier. Ses partisans bloquent depuis
mi-avril des installations pétrolières clés comme moyen de pression pour
déloger l'exécutif de Tripoli.
Samedi en soirée,
l'autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Haftar a affirmé
dans un communiqué "soutenir les revendications de citoyens", tout en
appelant les manifestants à "préserver les biens publics".
"Il est clair
qu'aucune entité politique ne jouit d'un contrôle légitime sur l'ensemble du
pays et tout effort visant à imposer une solution unilatérale se traduira par
la violence", a pour sa part estimé l'ambassadeur des États-Unis à
Tripoli, Richard Norland. Le diplomate a exhorté "les dirigeants libyens
et leurs soutiens étrangers à restaurer la confiance des citoyens dans l'avenir
du pays".
"Nous
voulons de la lumière"
Samedi, des manifestants
ont bloqué des routes dans la cité portuaire de Misrata (ouest), après avoir
saccagé et incendié la veille le siège du Conseil municipal, selon un
journaliste local.
La nuit tombée, des
manifestants se sont rassemblés à plusieurs points de Tripoli, fermant des
routes et brûlant des pneus, selon des images diffusées par la presse locale.
La veille, des milliers de
personnes ont battu le pavé à travers le pays, de Benghazi (est) à Tripoli, en
passant par les villes orientales de Tobrouk et El Beïda, ainsi qu'à Sebha,
dans le Sud désertique.
"Nous voulons de la
lumière", ont scandé les manifestants, en référence aux coupures
d'électricité qui durent une douzaine d'heures quotidiennement, voire
18 h les jours de forte chaleur.
"Depuis plus d'un an,
l'écrasante majorité des efforts de diplomatie et de médiation concernant la
Libye ont été monopolisés par la notion d'élections, lesquelles n'auront pas
lieu avant au moins deux ans, vu l'échec des négociations de Genève jeudi sous
les auspices de l'ONU", a expliqué à l'AFP l'analyste Jalel Harchaoui,
spécialiste de la Libye.
Or, l'économie "aurait
sans doute dû être la véritable priorité absolue de tous", a-t-il estimé.
"Sur ce front, l'année 2022 a été extrêmement pénible pour les Libyens,
pour plusieurs raisons : la Libye importe presque toute sa nourriture
et la guerre en Ukraine a affecté les prix à la consommation, comme dans
beaucoup de pays de la région."
Baisse
de la production de gaz
Le résumé de la semaineFrance 24 vous propose de
revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine
La Compagnie nationale
du pétrole (NOC) a affirmé jeudi que les blocus pétroliers entraînaient
aussi une baisse de la production de gaz nécessaire à l'approvisionnement du
réseau électrique.
Depuis
la chute
de Kadhafi, la Libye a connu une dizaine de gouvernements,
plusieurs guerres entre forces rivales et n'est jamais parvenue à organiser une
élection présidentielle.
Outre les coupures de
courant, les Libyens vivent au rythme des pénuries de liquidités et d'essence. Les infrastructures sont à plat, les services
défaillants.
Pour l'ambassadeur de
l'Union européenne en Libye, José Sabadell, les manifestations "confirment
que les gens veulent du changement à travers des élections et leur voix doit
être entendue".