Irak : la démission des députés sadristes aggrave la crise politique
mardi 14/juin/2022 - 02:59
C’est un pari risqué que fait Moqtada Al-Sadr. Incapable de former un gouvernement, huit mois après les élections législatives, le chef populiste chiite, à la tête de la première force politique au Parlement irakien, a ordonné à ses 73 députés de remettre leur démission, dimanche 12 juin. Le soin de former un gouvernement échoit désormais à ses rivaux, les partis chiites pro-iraniens réunis dans le Cadre de coordination. Ce « sacrifice », qu’il dit avoir concédé pour sortir le pays de la paralysie politique, pourrait s’avérer être un cadeau empoisonné si Moqtada Al-Sadr décidait, avec le soutien de ses millions de sympathisants, de contester la légitimité de ses adversaires dans la rue, au risque de plonger le pays dans le chaos.
Le trublion de la vie politique irakienne a vu son ascension consacrée par les élections législatives d’octobre 2021. Fils de Mohammed Sadiq Al-Sadr, un religieux chiite révéré assassiné sous Saddam Hussein, Moqtada Al-Sadr s’est fait connaître en formant en 2003 l’Armée du Mahdi pour combattre les forces d’occupation américaines. Rentré dans le rang après des combats fratricides qui ont opposé sa milice aux forces du gouvernement de Nouri Al-Maliki, le leader de 47 ans s’est progressivement imposé comme le chantre du nationalisme irakien face à ses rivaux, les milices chiites proches de Téhéran qui ont renforcé leur mainmise sur l’Etat à la faveur de la guerre contre l’organisation Etat islamique.
Revendiquant la majorité au Parlement – avec 73 députés sur 329 –, le chef chiite a voulu rompre avec le système de répartition confessionnelle et ethnique des postes (« muhassassa ») introduit après la chute de Saddam Hussein en 2003, et avec la tradition qui veut que toutes les forces chiites soient parties prenantes dans un « gouvernement de consensus ». Il a tenté de former un « gouvernement de majorité » avec le Parti démocratique du Kurdistan de Massoud Barzani et le parti Taqaddoum du politicien sunnite, Mohammed Al-Halboussi, élu chef du Parlement en janvier.