Le salafisme ou le mélange des idées de Qotb et d'Al-Banna
Par Mohamed Kamel
Le 30
septembre 2005, une affaire avait fait grand tapage. Le quotidien danois
Jyllands-Posten publiait douze caricatures controversées du prophète Mohamed
(Paix et salut sur lui). L'une d'elles, notamment, montrait le Prophète (SAW)
coiffé d'un turban en forme de bombe et à la mèche allumée. D'autres journaux
dans le monde les avait alors reproduites, dont le magazine norvégien "Magazienette"
et le journal allemand "Die Welt", et très rapidement cette histoire
avait embrasé le Monde musulman.
Le groupe des
Frères musulmans en Egypte a, à son tour, saisi l'occasion et appelé à
boycotter les produits danois et a également appelé à des manifestations dont
l'objectif déclaré est de défendre le prophète (Paix et Salut soient sur lui)
alors que celui non déclaré est de savoir l'ampleur de la réponse de la rue
auxdites manifestations ainsi que la position des organes de sécurité quant à
elles.
Toutefois, de
nombreux ulémas salafistes, dont Oussama El Qosi, ont des avis différents
vis-à-vis des campagnes de boycott et des manifestations qu'avaient lancées les
Frères musulmans. Pour ce, ils ont émis une fatwa jugeant que c'est harâm et
injuste de manifester, se basant ainsi sur des preuves à caractère salafiste.
Pour leur part, les Frères musulmans ne pouvaient pas y répondre et ont eu
recours à un groupe de jeunes de "Mansoura" et des villages
limitrophes au Delta (Basse Egypte) appartenant au courant salafiste qotbi pour
riposter à la fatwa du boycott. Les plus imminents de ces jeunes sont Khaled
Saïd, Achraf Abdel Moneim, Hicham Kamal et Ahmed Mawlana. Les jeunes ont
excellé dans leurs campagnes et créé dans la rue égyptienne "un avis salafiste"
à l'opposé de l'avis qui jugeait illicite le boycott des marchandises danoises
et des manifestations et qui incitait au boycott, aux manifestations et aux
activités fréristes. Au lendemain de la Révolution populaire du 25 janvier
2011, ces jeunes ont lancé ce qu'ils ont appelé "Le Front salafiste ».
Le Front
salafiste s’introduit -dans son premier communiqué- sur son compte officiel sur
le réseau social comme suit: un Mouvement et un courant ou un groupe de
pression comprenant de nombreux blocs salafistes dans de divers gouvernorats
ainsi que des symboles indépendants du même courant. Malgré cette définition,
le courant dominant au sein du Front était du courant salafiste qotbi influencé
par Abdel Meguid Al Chazli, le fondateur du groupe "Dawat Ahl Al Sunna wal
djama'a à la renaissance de la nation". Il était un des théoriciens
les plus imminents de la doctrine de Sayyed Qatb et son frère Mohamed Qotb et a
associé ses pensées à la doctrine salafiste, ce qui a contribué à l'émergence
du courant qotbi au sein du salafisme.
Le Front
salafiste considère le salafisme qotbi et des expressions de Sayyed Qotb comme
une doctrine. Pour eux, tout gouverneur est un tyran et tous les régimes du
pouvoir non islamique sont despotes.
Les activités
du Front se basent sur l'histoire glorieux du courant salafiste contre le
despotisme, ce qui confirme la synchronisation. Le Front salafiste s’est
dissoute au sein du Front, tout comme le groupe des Frères musulmans à l'opposé
des Salafistes qui jugent illicites les manifestations et la formation des
partis à l'exception d'Al Dawa salafiste qui a interdit l'action partisane
avant le 25 janvier 2011.
Un peu plus
tard, Al Dawa salafiste se retire sur sa position argumentant ainsi l'action
partisane et a fondé le parti Al Nur ainsi que celui d’"Al-Fadila" à
référence qotbi qui l'a fondé Mahmoud Fathi.
Les autres
courants salafistes interdisent l'action partisane et toutes les formes qui en
découlent dont la participation parlementaire. Mais, le "Front
salafiste" ne se limite pas à soutenir les partis voire à appuyer
également les manifestations et sa présidence. C'est ce qu'il a annoncé dans
son communiqué d’introduction pour atteindre ses objectifs, il opte pour
"les manifestations et les sit-in pacifiques, le soutien aux partis
islamiques et parfois la coalition avec les partis non islamiques, les
colloques et les conférences au sens propre du terme qui accueillait parfois
des figures appartenant aux autres courants différents, le soutien aux réseaux
des sociétés civiles et aux familles universitaires, aux organismes des
droits de l’Homme et syndical et aux autres activités de la société
civile".
La formation
du Front salafiste comprend nombres de bureaux dont essentiellement le bureau
religieux présidé par Achraf Abdel Moneim et le bureau politique avec comme
membre le géologue Ahmed Mawlana, qui était aussi le porte-parole du Front.
Celui-ci s’active dans les universités et les mosquées surtout dans le
gouvernorat de Daqahliya et les autres gouvernorats adjacents au Delta du Nil.
Le recrutement des enfants
Le Front
avait également une activité sociale et de prédication, pour ainsi se
propager encore davantage dans les mosquées et former les enfants à ses
programmes salafistes. Le but était de préparer les petits pour les recruter à
leur bas âge.
Le Front avait
des plans pour un certain nombre d'activités et de manifestations, dont
"le sit-in d'Abbassiya" en face du ministère égyptien de la Défense
non loin de l'Université d'Ain Chams, en collaboration avec le Mouvement
"Hazemoun" formé des partisans de Hazem Abou Ismaïl. L'objectif
derrière ce sit-in était de voir le Conseil militaire renoncer au pouvoir en
faveur du conseil présidentiel. Les forces de sécurité ont réussi à disperser
ce sit-in le 2 mai 2012.
Le Front
salafiste a refusé d'appuyer Abou Ismaïl à l'élection présidentielle, annonçant
son engagement à appuyer le candidat démissionné des Frères, Abdel Moneim Aboul
Fotouh, lors du premier tour des élections. Alors qu'au second tour, le Front
salafiste a annoncé soutenir le candidat des Frères, Mohamed Morsi.
Le Front a
également pris part à une grande manifestation sur la Place Tahrir le 29
juillet 2012, connue au niveau des médias sous le nom "Le vendredi de
Qandhar", puisqu'elle se limitait juste aux mouvements islamiques. Le
Front salafiste a également pris part aux sit-in de Rabaa et d'Annahda, le 28
juin 2013. Mais ses membres se focalisaient surtout sur la place Annahda en
face de l'Université du Caire.
Le Front
salafiste a intégré l'entité formée par les Frères qui était connue sous le nom
de "L'Alliance d'appui à la légitimité", créée le 27 juillet 2013 et
qui visait le retour du président Frère déchu, Mohamed Morsi. Cette Alliance a
appelé à une soi-disante "révolution des jeunes musulmans" sur toutes
les places d'Egypte, le 28 novembre 2014. Ces appels n'ont toutefois pas eu
d'échos.
Les organes de
sécurité ont arrêté de nombreux leaders du "Front salafiste" accusés
pour avoir incité à la violence et aux manifestations alors que le coordinateur
général du Front, Khaled Saïd s'installait en Turquie puis en Syrie et en
Libye. Pendant la période d'arrestation de nombreux leaders du Front dans le
cadre du procès N.682/2014 connu médiatiquement sous le nom "Front
salafiste" dont les principaux accusés sont un prof de critique et de
rhétorique à la faculté des études islamiques, un certain nombre de ses leaders
incarcérés a émis des idées qui se fusionne avec le côté intellectuel qu'avait
lancé le président de la commission religieuse au Front salafiste dans son
livre "Dialogues chaudes derrière les barreaux froids" dans lequel il
a abordé les idées des membres de Daesh emprisonnés. En avril 2016, le Parquet
de la Sureté de l'Etat a ordonné d'acquitter le membre du bureau politique du
Front salafiste Ahmed Mawlana, Magued Ahmed et Mohamed Abdel Rahmane qui
étaient accusés dans le cadre du procès connu sous le nom du "Front
salafiste". Tout en prenant des mesures préventives, la Cour pénale du
Caire a ordonné, en novembre 2016, d'acquitter 13 membres du "Front
salafiste", accusés d'avoir dirigé et formé des groupes hors-la-loi et appelant à la
subversion et à l'entrave de la Constitution.