Publié par CEMO Centre - Paris
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Et si l'Ukraine envahissait la Russie?

samedi 21/mai/2022 - 07:16
La Reference
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Le 24 février, la Russie envahissait l'Ukraine, et l'on ne donnait pas cher de la peau de la nation présidée par Volodymyr Zelensky. Près de trois mois plus tard, l'impensable est arrivé. Non seulement Kiev n'est pas tombée mais les forces russes ont dû revoir leurs ambitions territoriales à l'est du pays, où Kharhiv a été reprise de haute lutte et où les troupes du Kremlin ont parfois été repoussées jusqu'à leur propre territoire.
Un peu plus tôt dans le conflit, et bien que cela n'ait encore été tout à fait confirmé officiellement, des hélicoptères ukrainiens se lançaient dans une héroïque mission pour aller atomiser un dépôt de carburant à Belgorod, en terres russes, ou un drone Bayraktar TB-2 faisait de même mais à Briansk, plus de 100 kilomètres au-delà des frontières ukrainiennes.
Depuis quelques semaines, un peu partout dans la vaste Russie, une étrange épidémie d'incendies et explosions pourrait laisser à penser que l'Ukraine mène chez l'agresseur même une campagne de sabotage destinée à le faire trembler sur ses fondations et à gripper sa machine de guerre.
Bref, l'Ukraine ne fait pas que se défendre: elle montre les dents et n'hésite pas à mordre. Si bien que même l'administration Biden, dont les programmes d'envois d'armes à l'Ukraine se suivent et se ressemblent, massifs et à une cadence infernale, pose quelques limites.
Ainsi, si en plus des dizaines de canons qui lui sont livrés en flux continus, Kiev réclame à cor et à cri des lance-roquettes longue portée, Washington se refuse pour l'instant à les lui fournir, comme l'explique Politico. La crainte est qu'ils ne servent à viser des cibles en territoire russe, et à offrir le prétexte à une nouvelle escalade à Vladimir Poutine.
Alors Forbes pose la question qui semble ne pas se poser: et si l'Ukraine se décidait à envahir le territoire Russe?
Pas, bien sûr, de Belgorod aux îles Kouriles, de l'Oural à la Sibérie, du cercle arctique à Vladivostok... mais de manière tactique et calculée, là où elle le peut, là où la terre russe semble s'offrir à elle. En apparence folle, une telle manœuvre ne serait pas sans panache ni intelligence stratégique: elle porterait un coup symbolique fort à un Vladimir Poutine déjà fragilisé et désormais publiquement critiqué, et, surtout, pousserait les armées russes à déporter certaines des forces qu'elles utilisent dans le Donbass pour passer à la défensive.
La ligne rouge
Le moment pour un tel coup d'éclat pourrait être crucial: selon l'Institut pour l'étude de la guerre et comme le rapporte Foreign Policy, la nature du conflit russe est en train de changer dans le Donbass, avec des troupes qui s'enterrent et fortifient leurs positions, afin de se préparer aux tentatives ukrainiennes de contre-attaques et valider leurs (maigres) gains territoriaux.
De plus, les conditions d'une victoire de Kiev dans la guerre ont été clairement énoncées par le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba. Selon lui, le pays pourra trouver la paix lorsque les forces russes auront été repoussées, que des réparations seront décidées et payées, que les criminels de guerre seront jugés, que l'Ukraine sera intégrée à l'Union européenne.
De manière aussi claire que notable, Dmytro Kuleba mentionne la Crimée: il n'y aura pas de victoire ukrainienne tant que le pays n'aura pas aussi remis la main sur le territoire annexé en 2014 par Vladimir Poutine.
Ce dernier la considère comme une partie inaliénable du territoire de la nation russe: tenter de reprendre le contrôle d'une zone pourtant légalement ukrainienne reviendrait pour lui à s'attaquer à la Russie, et pourrait provoquer à en croire certains experts sa réaction la plus violente et une escalade vers des mesures beaucoup plus drastiques –on pense bien sûr à l'usage de la force nucléaire.
Outre le simple fait que l'envoi de troupes et de matériels ukrainiens en territoire russe serait un pari diablement risqué –sinon presque impossible– sur le plan militaire, c'est sans doute ici que le bât blesse et que cette hypothèse un peu folle s'arrête.
Comme le note Forbes, les pays occidentaux qui jusqu'ici soutiennent sans faille Kiev pourrait voir très d'un mauvais œil que l'Ukraine s'enhardisse au point d'aller mordre Vladimir Poutine là où cela l'atteindrait le plus douloureusement, notamment en Crimée.
Les gains militaires d'une attaque ukrainienne en terres russes, s'ils étaient possibles, seraient minimaux voire nuls, et pourraient mener à la pire des escalades possibles. Les dégâts politiques, quant à eux, seraient pour Kiev importants et peut-être irréversibles: l'Occident ne suivrait sans doute plus. Pour la Crimée, il faudra donc trouver d'autres moyens, s'ils existent encore.

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