Vautrin, Létard, Borne… Emmanuel Macron à l’heure du choix
dimanche 15/mai/2022 - 03:04
« Il a tranché. » Le président de la République va nommer une femme à Matignon, selon son entourage. Plusieurs noms circulent… À moins d’une ultime surprise. Depuis quelques jours, ses proches sont à l'affût du moindre indice sur l'identité de l'heureuse élue. Car cette fois « ma seule certitude, mon pressentiment, c'est que ce sera une femme à Matignon », affirme un proche du président. Plus de trois semaines après sa réélection, Emmanuel Macron s'apprête à annoncer le nom du successeur de Jean Castex comme Premier ministre. A priori lundi ou mardi, fait-on savoir. « Il a tranché », indique un élu au cœur des tractations. Ceux qui ont échangé avec le chef de l'État depuis le milieu de semaine dernière ont en effet senti « que les choses étaient calées ». « Mais quand je le teste, je n'arrive à avoir aucune information », s'exaspère l'un de ses fidèles.
Seul le tout premier cercle – ainsi que l'intéressé(e) – est au courant. Le secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler, est dans la confidence, ainsi que Jean Castex, actuel titulaire du poste. Son épouse, Brigitte Macron, est aussi probablement informée. Tous les autres naviguent en plein brouillard. Certains ont lâché l'affaire. « La dernière fois, jusqu'à la veille de l'annonce, j'étais sûr qu'il allait conserver Édouard Philippe ! » se marre un cadre qui a ses entrées à l'Élysée.
Pis, en évaluant les noms qui circulent dans la presse et dans les allées du pouvoir, ces messieurs ne peuvent s'empêcher quelques commentaires déplaisants. Avis à la Première ministre : en dépit d'un pouvoir qui se veut « progressiste », la misogynie est loin d'avoir disparu… « Le cheptel de femmes n'est pas nombreux, on en fait vite le tour », grimace l'un d'eux, peu inspiré par les profils censés tenir la corde.
Dépassement politique
Élisabeth Borne, 61 ans, est pressentie depuis plusieurs mois. Polytechnicienne, ancienne préfète de la région Poitou-Charentes, ex-dirigeante de la RATP, la sexagénaire qui revendique une fibre sociale est réputée pour son autorité et son sérieux en macronie. Ancienne directrice de cabinet de Ségolène Royal, la macroniste a occupé plusieurs ministères clés depuis 2017, des Transports au Travail, en passant par la Transition écologique. Jamais élue mais candidate aux élections législatives dans le Calvados, Élisabeth Borne a les faveurs d'Alexis Kohler. « Une techno, un profil académique, la continuité », résume-t-on dans l'entourage d'Emmanuel Macron. Or, le président aurait à cœur de « poursuivre le dépassement politique » en nommant une personnalité qui ne serait pas directement issue de sa majorité. Et ces derniers temps, observe un stratège du pouvoir, « Élisabeth Borne n'a été associée à rien politiquement ». Si ce n'est Matignon, cette femme « redoutée » pourrait récupérer un poste régalien comme Beauvau ou les Armées.
Il y a aussi Valérie Létard, sénatrice UDI du Nord, âgée de 59 ans, dont le nom a fortement circulé en fin de semaine. Un « bébé Borloo », résume un élu qui la connaît bien, ancienne secrétaire d'État chargée des « technologies vertes et des négociations sur le climat » dans le gouvernement de Nicolas Sarkozy. Cette élue locale centriste, assistante sociale de formation, proche de Xavier Bertrand, a soutenu jusqu'au bout Valérie Pécresse à l'élection présidentielle et s'est engagée dans la campagne des législatives des candidats Les Républicains dans son département. En mai 2017, Emmanuel Macron lui avait proposé le ministère du Logement et de la Ville, qu'elle avait refusé. « Elle n'est pas sympa, elle n'a jamais donné de signes et n'a aucun humour », étrille un sénateur de la majorité. « Elle est bien, mais molle du genou, un peu légère et pas très charismatique », décrit un ancien élu de la région.
Catherine Vautrin, la favorite
Troisième option et vraisemblablement la plus solide : Catherine Vautrin. La patronne de la métropole de Reims, ex-LR qui a rallié Emmanuel Macron en février, s'impose aux yeux des bookmakers. L'ancienne vice-présidente de l'Assemblée nationale, 61 ans, ministre sous Jacques Chirac, est fortement poussée par Sébastien Lecornu et Thierry Solère, le duo d'influenceurs venu de la droite qui gravite autour du président. Ils vantent notamment sa maîtrise du Parlement, à l'heure où les rangs de La France insoumise et du Rassemblement national pourraient gagner du terrain après le scrutin de juin. « Le président regarde de très près, ça peut être la guérilla parlementaire permanente, voire le blocage total de l'institution », confie un intime. Problème : depuis vendredi, Catherine Vautrin subit un tir de barrage de la part de plusieurs figures de la macronie historique, à cause notamment de son combat contre le mariage pour tous, en 2013. « Pour moi, ce n'est même pas envisageable. C'est juste du carburant pour Jean-Luc Mélenchon », griffe un pilier de la majorité.
Je ne comprends pas où cela mène, si ce n’est à la catastropheUn pilier de la majorité
Si l'une de ces trois responsables est effectivement nommée « tout cela finira très mal », observe ce même interlocuteur, alors que nombreux étaient ceux, autour du président, à plaider pour promouvoir une personnalité d'envergure. « Je ne comprends pas où cela mène, si ce n'est à la catastrophe. » Nul doute que dans la dernière ligne droite, les téléphones doivent chauffer. La composition du gouvernement est attendue dans la foulée de la passation de pouvoir à Matignon. Lors du dernier remaniement, en juillet 2020, Emmanuel Macron recevait 300 SMS par jour. Des offres de service, autant que des avis pour tenter d'influer sur son choix. Au tout dernier moment, le casting avait d'ailleurs bougé, Gérald Darmanin s'étant imposé pour Beauvau tardivement.
Changement profond
« Cette fois, absolument personne n'est en sécurité, le changement sera très profond », croit savoir un interlocuteur régulier du chef de l'État. Le sort de Bruno Le Maire, entre autres, est en suspens. Le président a prévenu son équipe rapprochée : « il y aura des gens très extérieurs à notre écosystème qui peuvent rentrer, et qu'on devra briefer rapidement ». Côté société civile, l'écrivaine Rachel Kahn et le sportif Brahim Asloum sont pressentis. Emmanuel Macron cherche aussi des poids lourds. L'ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve aurait refusé d'entrer au gouvernement. Yannick Jadot, ex-candidat à l'élection présidentielle, pourrait récupérer un portefeuille en lien avec l'écologie. « Le gouvernement peut être un nouveau moment pour faire travailler la poutre de la recomposition politique, glisse un conseiller. Il y aura aussi des innovations sur les périmètres ministériels, on veut casser les carcans et la logique de silo. L'écologie va colorer le second mandat. Le président a la foi des nouveaux convertis, il s'est plongé dans ce sujet et peut prendre des vrais virages. »