Daech et la brigade d'Al-Khansa
Mahmoud Ruchdi
L’organisation Daech a créé une
brigade de femmes, la brigade d’al-Khansa, dont le rôle est essentiellement de
vérifier que les femmes appliquent les règles de l’organisation, et en
particulier l’interdiction de porter des talons hauts et de quitter leur
maison, et l’obligation du port de la djellaba noir.
Mais la stratégie de
l’organisation en matière d’utilisation des femmes a rapidement évolué, après
sa défaite dans son dernier bastion à Raqqa en Syrie en 2017, vers des rôles terroristes
après qu’elle eut perdu de vastes parties des territoires qu’elle contrôlait et
un grand nombre de ses éléments, suite aux opérations militaires menées par la
coalition internationale dirigée par les Etats-Unis.
Stratégie de survie de Daech
Les raisons du recours de Daech à
l’élément féminin, surtout au moment où l’étau se resserrait autour d’elle,
sont diverses :
1) Des raisons sécuritaires
En effet, les Européens
renforcent leur contrôle sécuritaire sur les combattants hommes revenant des
combats avec Daech, ainsi que les procès contre eux, en considérant qu’ils
étaient partis par conviction, alors que ce n’est pas le cas pour les femmes,
qui peuvent y avoir été contraintes. En outre, celles-ci peuvent utiliser le vêtement
islamique pour se déplacer en Europe et commettre des opérations terroristes
sans être reconnues.
Des raisons internes
Du fait de la perte d’un grand
nombre de combattants dernièrement, ce qui a conduit l’organisation à recourir
aux enfants et aux femmes dans le combat. C’est pourquoi elle a déclaré dans un
document la nécessité de faire participer la femme aux opérations terroristes.
[if !supportLists]3)
[endif]Raisons tactiques
Il s’agit pour Daech de détourner
l’attention des services de sécurité européens des éléments masculins qui sont
à l’origine de la plupart des opérations terroristes.
4) Raisons stratégiques
C’est sans doute la raison la
plus importante du recours de Daech à l’élément féminin, à savoir le fait de
transformer la femme d’un simple élément dans ses rangs en icone transmettant
ses principes terroristes aux générations à venir.
Les Européennes et l’avenir de la
menace sécuritaire
Après l’effondrement de Daech en
Syrie, les destins des Khansawat ont été divers : certaines sont
retournées dans leur pays, d’autres emprisonnées, d’autres encore envoyées dans
d’autres endroits de conflit, comme la Libye, l’Afghanistan ou les Philippines.
Mais ce sont celles qui sont de retour qui sont les plus dangereuses pour la
sécurité européenne. En effet, selon le Centre international de l’extrémisme
basé à Londres, près de 256 femmes sont rentrées sur 4761 ayant émigré au
Moyen-Orient pour intégrer le département des femmes de Daech, soit 5% du
total.
Opérations des loups solitaires
L’organisation a voulu transférer
ces opérations militaires en Europe et a alors recouru aux opérations des
« loups solitaires » qui ont menacé la sécurité européenne par leur
aspect non organisé et non traditionnel, et elle a alors tenté de transmettre
ces compétences à l’élément féminin par le biais de formations destinées aux
femmes.
Le rôle des femmes dans
l’organisation a donc évolué vers l’exécution des opérations terroristes et
cela sous trois formes : les cellules féminines, les cellules familiales,
et les louves solitaires.
Difficulté d’échapper à la
tutelle de Daech
Lorsqu’elles veulent échapper à
la tutelle de Daech, les Européennes qui l’ont rejoint se trouvent confrontées
à divers obstacles, comme la perte de leur passeport, qu’elles doivent remettre
à l’organisation comme preuve de leur volonté de s’intégrer et d’acquérir une
nouvelle identité. Outre le fait que la fuite par les frontières syriennes peut
coûter des sommes énormes que ces femmes n’ont pas les moyens de payer.
Scénarios de confrontation
européenne
Les pays européens doivent
étudier avec prudence les diverses façons de traiter avec les femmes
européennes de Daech de retour du Moyen-Orient. Le coordinateur de l’Union
européenne pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, a mis en
garde contre les discordances dans les positions des Européens sur le dossier
des combattants de Daech de retour. Examinons donc les différents scénarios
possibles.
Premier scénario : refus
d’accueil des combattantes de retour
Ce scénario n’est pas le plus
probable, car il transformerait ces femmes en bombes à retardement contre leurs
pays d’origine, qui aura refusé de les accueillir et préféré les voir mourir
dans les zones de conflit. Il confirmerait également les allégations des
organisations terroristes relatives aux mauvais traitements subis par les
musulmans en Europe et au fait qu’ils seraient des citoyens de seconde zone.
D’autre part, il n’empêcherait pas les opérations terroristes : en effet,
celles qui ont eu lieu en 2017, comme à Manchester ou à Madrid, n’ont pas été
exécutées par des combattants de retour des zones de combat, mais par des loups
solitaires sympathisants de Daech et d’al-Qaïda.
Second scénario : la manière
forte
Il s’agirait d’engager des
poursuites judiciaires contre ces combattantes de retour et de renforcer leur
surveillance, électronique en particulier.
Troisième scénario : la
douceur
Il s’agirait de donner
l’opportunité à ces femmes de se réintégrer dans leur société, loin de tout
procès. Un petit nombre d’hommes politiques ont adopté cette opinion, comme Max
Hill, président de l’Organisme britannique de lutte contre le terrorisme, qui a
affirmé : « Ceux qui sont partis à cause de leur naïveté ou peut-être
suite à un lavage de cerveau, et qui en général étaient en pleine adolescence,
et sont revenus déçus, nous devons leur donner une chance, loin des
salles des tribunaux ».
Quatrième scénario : la
réadaptation
C’est le scénario le plus
probable, pour plusieurs raisons, dont le fait de montrer aux extrémistes
restés dans les zones de combat et aux sympathisants du terrorisme que
l’Etat est toujours capable de rectifier les orientations extrémistes de ses
citoyens, et de la sorte, les pays européens pourront assécher les sources
d’exportation des idées extrémistes chez leurs citoyens.