« La Russie a la capacité de déstabiliser considérablement les Balkans »
lundi 09/mai/2022 - 04:14
En attisant les tensions nationalistes et les conflits territoriaux irrésolus plus de trois décennies après l’éclatement de la Yougoslavie, Moscou peut bloquer toute perspective d’adhésion à l’Union européenne pour les six pays candidats, analyse l’économiste Sylvain Zeghni dans une tribune au « Monde ».
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a renforcé la détermination des Européens à défendre la démocratie et l’architecture de sécurité de l’Europe. Dans le même temps, de nombreux hommes politiques et universitaires ont tourné leur regard vers les Balkans, craignant l’influence russe dans une région en proie à l’instabilité politique, aux problèmes économiques et à la fuite des cerveaux. La situation est d’autant plus préoccupante en raison des tensions persistantes qui ne sont toujours pas résolues quelque trois décennies après l’éclatement de l’ex-Yougoslavie.
La probabilité d’une invasion russe des Balkans occidentaux – Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Monténégro, Macédoine du Nord et Serbie – est faible, d’autant que l’Albanie, le Monténégro et la Macédoine du Nord sont déjà membres de l’OTAN. Pourtant, la Russie pourrait facilement continuer à déstabiliser la région et ainsi saboter les chances des six pays de devenir membres de l’Union européenne, ce à quoi ils aspirent depuis 2005.
Des questions ont déjà été soulevées quant à la manière dont la Bosnie-Herzégovine peut devenir membre de l’UE, alors que Milorad Dodik [membre de la présidence tripartite bosnienne] poursuit des aspirations sécessionnistes soutenues par la Russie [pour la République serbe de Bosnie]. Les aspirations du Kosovo à l’adhésion à l’UE restent bloquées par le refus de plusieurs pays – dont la Russie et la Serbie – de reconnaître son indépendance. La Serbie, candidate à l’adhésion à l’UE, continue de trouver un équilibre délicat entre son alignement sur la politique étrangère de l’UE et ses liens culturels et historiques avec la Russie.
Cette tension était visible lors d’une conférence de presse du président serbe et de la ministre allemande des affaires étrangères le 11 mars, au cours de laquelle Aleksandar Vucic a refusé de mentionner l’invasion russe, faisant une vague allusion à « ce qui se passe en Ukraine ». Sur le plan intérieur, il bénéficie d’un soutien pour la poursuite de relations plus étroites avec la Russie, comme le démontre un sondage du Conseil européen des relations étrangères, selon lequel 54 % des Serbes considèrent la Russie comme un allié et 95 % comme un partenaire nécessaire.