Sous emprise des sanctions américaines, l’économie iranienne se détériore

L'économie iranienne se trouve dans une position extrêmement délicate. Elle semble faire face à une vague de défis économiques, auxquels Téhéran ne sera probablement pas en mesure de faire face, après que le président américain Donald Trump eut annoncé en mai l'intention de son pays de se retirer du Plan d'action global commun (PAGC) signé en 2015. Le premier tronc de sanctions a commencé en août, suivi du deuxième qui a pris effet le 5 novembre en cours.

Le plus important de ces défis à la lumière des sanctions économiques imposées à l’Iran, est la baisse des exportations de pétrole et la baisse du PIB, accompagnée de la détérioration de la monnaie locale.

Inflation et prix des denrées alimentaires

Le retrait des États-Unis du PAGC a affecté la valeur de la monnaie iranienne et par conséquent les taux d'inflation grimpent dans le pays. Selon le rapport du Centre iranien de la statistique, le taux d'inflation a atteint 31,4% en septembre, en comparaison avec 15% fin juin 2018.

Les prix des produits alimentaires ont également augmenté de 25%, ce qui a entraîné de nouvelles tensions sociales et politiques. Les prix de la viande ont grimpé à 45%, et ceux des fruits atteignent les niveaux les plus élevés de 83%.

Selon des estimations étrangères, en dépit de l'intervention de la Banque centrale d'Iran pour soutenir le riyal, les niveaux d'inflation sont toujours en hausse et la monnaie locale a perdu plus des deux tiers de sa valeur sur le marché informel depuis le début de janvier 2018.

Produit intérieur brut

L'imposition du deuxième train de sanctions à l'Iran par Washington devrait bien entendu poser un défi majeur à la croissance économique du pays, malgré une croissance de 7% entre mars 2016 et mars 2017, un taux de croissance similaire de 7% de mars 2017 à mars 2018. Cela a principalement due à la reprise rapide de la production pétrolière, les exportations de l'Iran ayant augmenté de 41,3% au cours de cette année en raison de l'assouplissement des sanctions appliquées en janvier 2017. Toutefois, les parlementaires iraniens s'attendaient à une chute de l'économie pouvant aller jusqu'à 5% % sur la période de mars 2019 à mars 2020, qui serait une grande récession.

FMI

Les experts du FMI ont prédit que l’économie iranienne diminuerait de 1,5% cette année et de 3,6% de plus en 2019.

Les experts du FMI s'attendent à ce que le PIB continue de baisser après l'imposition de sanctions à l'Iran, qui passera de 430 milliards de dollars en 2018 (compte tenu des prix actuels) à 333 milliards de dollars en 2019, alors que l'économie stagne. Surtout après le retrait des entreprises internationales de projets structurants dans le pays et le déclin des exportations de pétrole iraniennes, etc.

Taux de change

L'effondrement du taux de change du riyal iranien après l'imposition de sanctions économiques en mai 2018 a provoqué des protestations des hommes d’affaires qui ont été fortement touchés par la chute brutale du taux de change et la pénurie de dollars américains sur le marché. Il n'est toutefois pas clair si l'économie iranienne sera exposée à la situation de 2012 à 2018, compte tenu du non-retrait des pays européens de l’accord nucléaire y compris la Russie et la Chine.

Les sanctions imposées à l'Iran entre janvier 2012 et janvier 2014 ont réduit la valeur du riyal sur les marchés informels d'environ 56%, puis l’ont stabilisé à environ 35 000 dollars en 2015 après l'accord nucléaire.

L'annonce des nouvelles sanctions américaines a fait chuter le riyal à 60 000 dollars par rapport au dollar à la mi-avril 2018, puis a de nouveau chuté début août à la fin de la période de 90 jours pour atteindre 50 000 dollars par rapport au dollar. Cela a provoqué des troubles sur les marchés en raison de l'incapacité des hommes d’affaires à importer. Le gouvernement a donc interdit l'importation d'environ 1 400 produits afin de maintenir l'offre de devises fortes, et la valeur marchande déclarée du riyal a chuté en septembre 2018 à 150 000 par rapport au dollar.

Production et exportation de pétrole

Les exportations pétrolières iraniennes seront touchées sans doute surtout que les USA œuvrent à les interdire complétement, bien que les pays européens, la Russie, la Chine et l'Inde aient annoncé leur intention de rechercher un autre système d’échange permettant de régler les paiements iraniens au lieu du dollar. En revanche, les exportations pétrolières iraniennes seraient affectées à court et à moyen termes par le contrôle du dollar sur les paiements internationaux.

Malgré la hausse de la production pétrolière de 3,5 millions de barils par jour en 2015 à 3,87 millions de barils par jour en 2017 et de 3,74 millions de barils par jour en juillet 2018, les exportations de pétrole ont chuté drastiquement, allant de 2,7 millions de barils par jour en mai 2018 à 1,86 million de barils par jour à la première moitié d'août, soit une baisse de 27%. Le Centre de recherche du Parlement iranien estime que la fuite des capitaux de mars 2017 à mars 2018 s'est élevée à 13 milliards de dollars.

Chômage

Après les lourdes sanctions imposées par les États-Unis, il est peu probable que l'économie iranienne puisse éviter la récession: le taux de chômage était de 12,4% en 2016, contre 11% en 2015. Le chômage devrait augmenter en raison de l'impact considérable de ces sanctions sur le marché du travail iranien. Le taux de chômage devrait atteindre 15% en 2020 selon le Fonds monétaire international (FMI).

Historiquement, le chômage et les prix des denrées alimentaires ont été un facteur important dans les manifestations et les troubles en Iran. Le gouvernement devrait donc tenter de résoudre le problème en fournissant un soutien en liquide, en nature ou une formation professionnelle, tout en assurant la justice sociale et une réforme fiscale.

En plus des défis précédents, l’Iran est confronté à de nombreux défis à moyen terme ainsi qu’à des défis structurels à long terme.

I.              L’Iran doit faire face à de nombreux défis climatiques et environnementaux, qui affecteront certainement l’économie à long terme: la sécheresse et le rationnement de l’eau dans certaines villes iraniennes pendant les journées chaudes d’été sont monnaie courante au cours de la dernière décennie.

II.           L’Iran est confronté à une pénurie d’électricité: ses barrages et ses centrales hydroélectriques deviennent de moins en moins productifs, ce qui pourrait entraîner l’arrêt des industries pendant l’été.

III.         L'Iran souffre d'une hausse de la pauvreté et du chômage chez les jeunes, ce qui provoque une détérioration des crises et des manifestations dans le pays, en particulier au cours de 2018. Malgré la baisse du taux de pauvreté, qui est passé de 13,1% en 2014 à 8,1% en 2015, toutefois, elle a encore connu une augmentation à 10,5% en 2017.

En définitive, l’Iran fait face à de nombreux défis économiques, qui nécessitent une vision plus profonde que des solutions temporaires dans lesquelles le régime tente de garder la tête haute jusqu’à ce que l’Administration Trump quitte ses fonctions. Les États-Unis semblent déterminés à rendre ces sanctions systématiques pour forcer Téhéran à arrêter ses activités nucléaires, son soutien aux organisations terroristes de la région et du monde et l’arrêt du développement des armes balistiques.

Bibliographie

1)           Iran's Strategy for Surviving U.S. Sanctions, May 30, 2018, Strategic Forecasting, available at:

https://worldview.stratfor.com/article/iran-strategy-surviving-us-sanctions-nuclear-deal

2)           The Economic Impact of Iran Sanctions, November 5, 2018, Center for Strategic and International Studies, available at:

https://www.csis.org/analysis/economic-impact-iran-sanctions

3)           Paul Rivlin, The Sanctioned States: Economic Crises in Iran and Turkey, 2018, available At:

https://dayan.tau.ac.il/file download/download/public/16458

4)           Kenneth Katzman, Iran Sanctions, 2018, available At:

https://fas.org/sgp/crs/mideast/RS20871.pdf

5)           How Sanctions Affect Iran’s Economy, May 22, 2012, The Council on Foreign Relations, available At:

https://www.cfr.org/interview/how-sanctions-affect-irans-economy

6)           Mahdi Ghodsi and others, The Iranian Economy: Challenges and Opportunities, 2018, available At:

https://www.researchgate.net/profile/Mahdi_Ghodsi/publication/326201073_The_Iranian_Economy_Challenges_and_Opportunities/links/5b3dff35aca272078512679c/The-Iranian-Economy-Challenges-and-Opportunities.pdf