Thales dément avoir vendu à la Russie des armes "utilisées pour tuer des civils"
samedi 23/avril/2022 - 02:38
L'Ukraine a accusé, ce vendredi 22 avril, le groupe français d’équipements de défense d'avoir vendu des armes à la Russie malgré les sanctions décidées après l'annexion de la Crimée.
GUERRE EN UKRAINE - Une nouvelle entreprise française pointée du doigt par Kiev. Un conseiller de la présidence ukrainienne a accusé ce vendredi 22 avril le groupe français d’équipements de défense Thales d’avoir contourné les sanctions et vendu en 2015 à la Russie du matériel utilisé en Ukraine pour tuer des civils. Une affirmation réfutée par Thales.
Sur Twitter, Mikhaïlo Podolyak, conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a affirmé qu’“une famille [qui] tentait de s’échapper [...] a été tuée par des assassins russes”. “Tuée, comme c’est maintenant prouvé, avec des armes françaises vendues en contournement des sanctions en 2015”, a-t-il ajouté.
Démentant avoir contourné les sanctions contre la Russie, Thales, interrogé par l’AFP, dit s’être “toujours conformé strictement aux réglementations françaises et internationales y compris concernant l’application des sanctions européennes de 2014 à l’égard de la Russie”.
Thales se défend d’une accusation “trompeuse”
“Aucun contrat d’export d’équipement de défense n’a été signé avec la Russie depuis 2014 et aucune livraison n’a été effectuée à la Russie depuis le début du conflit en Ukraine”, selon le groupe, qui ajoute que “toute information laissant penser le contraire est erronée et donc trompeuse”. L’entreprise dit avoir par ailleurs décidé de cesser ses activités en Russie.
Dans sa publication, Mikhaïlo Podolyak relaie la vidéo d’un blogueur ukrainien, Pavlo Kachtchouk, qui analyse les dégâts causés sur une voiture dans laquelle a été retrouvé le corps d’une femme tuée à Boutcha, près de Kiev.
“Comment des soldats russes mal entraînés ont-ils pu tirer de façon aussi précise avec du vieux matériel post-soviétique ?”, se demande-t-il. “La réponse, on l’a trouvée à Vorzel [ville proche de Boutcha, ndlr], où nos troupes, après le retrait russe, ont capturé des véhicules blindés BMD-4.″
Ces blindés sont équipés “de systèmes de conduite de tirs qui leur permettent à de tirer avec une grande précision quelque soit le temps, le vent ou même l’heure du jour. Des composants et une technologie vendus à la Fédération de Russie par l’entreprise française Thales”, poursuit le blogueur.
Il montre ensuite une caméra thermique dont il affirme qu’elle a été récupérée sur un blindé russe abandonné. Le logo de Thales y est visible, accompagné de la date 06/16 et de la mention “made in Russia”.
“Elle a été assemblée en Russie sous licence”, accuse le blogueur. “Ce n’est qu’un des nombreux schémas autorisant les entreprises françaises à contourner l’embargo.
La clause dite “du grand-père” mise en avant par la France
Ces accusations suivent celles du média en ligne Disclose mi-mars, selon qui la France a livré des équipements militaires, dont des caméras thermiques, à la Russie entre 2015 et 2020, soit après les sanctions européennes ayant suivi l’annexion de la Crimée par Moscou.
“D’après des documents “confidentiel-défense” obtenus par Disclose et des informations en sources ouvertes, la France a délivré au moins 76 licences d’exportation de matériel de guerre à la Russie depuis 2015″, affirmait le média en ligne.
Des contrats pour un “montant total de [...] 152 millions d’euros, comme l’indique le dernier rapport au Parlement sur les exportations d’armement”, ajoutait Disclose, qui s’est plusieurs fois illustré en publiant des informations sur les ventes d’armes françaises.
Depuis l’annexion de la Crimée en 2014 par la Russie, l’Union européenne impose un embargo sur les armes, mais la France a continué de fournir du matériel en vertu de contrats signés avant cette date.
“La France se conforme strictement à ses engagements internationaux, notamment le traité sur le commerce des armes et la position commune de l’UE”, avait réagi sur Twitter le porte-parole du ministère des Armées, Hervé Grandjean.
Il avait expliqué que “la France [avait] permis l’exécution de certains contrats passés depuis 2014 au titre de la clause dite ‘du grand-père’”, selon laquelle “un contrat conclu avant l’annexion de la Crimée peut aller à son terme”.
La France n’avait pas réagi ce samedi matin aux nouvelles accusations du conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky.