Publié par CEMO Centre - Paris
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Après Marioupol, quel objectif pour la Russie en Ukraine?

vendredi 22/avril/2022 - 01:46
La Reference
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La Russie a indiqué ce vendredi 22 avril, au lendemain de la revendication d'une victoire à Marioupol, qu'elle voulait notamment "peser sur des infrastructures vitales de l’économie ukrainienne”.
Après près de deux mois de siège, la Russie a annoncé, ce jeudi 21 avril, avoir pris le contrôle quasi-total de Marioupol, port ukrainien stratégique. Subissant une série de revers depuis le 24 février, date du lancement de l’invasion russe de l’Ukraine, la Russie avait annoncé dès la fin mars qu’elle allait se concentrer désormais sur l’est du pays.
La prise de la ville de Marioupol, “libérée” avec “succès” d’après le président russe Vladimir Poutine, se présente comme une étape dans le plan russe. En plus de priver l’Ukraine de son accès à la mer d’Azov, le contrôle de cette ville portuaire pourrait permettre aux troupes russes de connecter le Donbass à la Crimée, annexée par le Kremlin en 2014. Ce vendredi, un général russe a confirmé que Moscou visait bel et bien le “contrôle total du Donbass et du sud de l’Ukraine”.
Tentative russe de prendre tout le Donbass
La Russie pourrait redéployer les troupes russes, aidés de séparatistes pro-russes et de soldats tchétchènes, concentrés jusqu’alors sur Marioupol vers le Donbass afin d’obtenir le contrôle total de la zone. Un objectif confirmé, ce vendredi, par le général Roustam Minnekaïev, commandant adjoint des forces du district militaire du Centre de la Russie, cité par les agences de presse russes.
“Depuis le début de la deuxième phase de l’opération spéciale, phase qui a commencé il y a deux jours, l’un des objectifs de l’armée russe est d’établir un contrôle total sur le Donbass et le sud de l’Ukraine”, a-t-il assuré. Selon Roustam Minnekaïev, “cela permettra d’assurer un couloir terrestre vers la Crimée, ainsi que de peser sur des infrastructures vitales de l’économie ukrainienne”.
Selon l’Institut américain de l’étude de la guerre (ISW), dans l’est de l’Ukraine, les “forces russes ont poursuivi leurs attaques avec de lourds moyens aériens et d’artillerie en continuant de consolider la logistique et leurs capacités de commandement en vue d’une offensive majeure”.
Lundi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé le début de “la bataille” pour le Donbass, où se situent les deux républiques autoproclamées pro-russes de Lougansk et Donetsk. “Une très grande partie de l’ensemble de l’armée russe est désormais consacrée à cette offensive”, a déclaré le dirigeant ukrainien dans un discours retransmis sur Telegram. Mercredi, le ministre de la Défense ukrainienne rapportait des “tentatives d’assaut [...] sur Roubijné et Severodonetsk, dans la région de Lougansk”.

 Parmi les suites données aux opérations russes, Michel Goya, ancien colonel des troupes marines et historien de la guerre, évoque “la zone de Severodonetsk (la moitié de Marioupol en superficie) et ses abords [qui] résistent depuis le 2 mars”. “Elle est désormais très largement sous pression”, écrit-il ce jeudi sur Twitter.
“Le but est de couper ce bastion de celui de Sloviansk-Kramatorsk-Druzkhivka-Konstantinovka”, explique-t-il, “l’objectif principal”. “Le 2e corps d’armée attaque toujours dans la région de Popasna au Sud de la zone, ajoute Michdel Goya. La progression de cette 1ère pince russe est lente mais réelle.”
Ce jeudi, le ministère britannique de la Défense a fait savoir que “les forces russes progressent maintenant depuis des zones de regroupement dans le Donbass vers la ville de Kramatorsk, qui continue à être la cible d’attaques de roquettes persistantes”.
Début avril, la gare de Kramatorsk, où se trouvaient des civils, avait été la cible d’un tir de missile qui a fait au moins 57 morts. Encore sous contrôle ukrainien, elle est considérée par beaucoup d’observateurs comme un enjeu majeur pour le Kremlin. “Les Russes sont en train d’arriver par Izium, à 70 kilomètres, et veulent nous couper du centre de l’Ukraine”, a déclaré à RFI le maire de la ville, Oleksandr Goncharenko.
Appelant une nouvelle fois les civils à évacuer la région de Lougansk, son gouverneur, Serguiï Gaïdaï, indiquait que “la situation se complique d’heure en heure”. En début de semaine il annonçait que la ville de Kreminna était “malheureusement sous le contrôle des orques”, le surnom péjoratif donné aux militaires russes.
Malgré la multiplication des assauts sur le Donbass, pour le général Jean-Paul Perruche, ex-directeur de l’état-major de l’Union européenne interrogé par La Dépêche du Midi, “même si [les Russes] parvenaient à conquérir tout ou partie du Donbass, derrière, les Ukrainiens ne lâcheront rien dans ce qui deviendra une guerre d’usure, une guérilla”.
Intensification des attaques sur Kharkiv
Dans Kharkiv et sa région, qui subissent des attaques des troupes russes depuis le début deux mois, la tension s’intensifie ces derniers jours. Preuve que cette ville du nord-est de l’Ukraine reste l’une des principales cibles de Moscou, alors que la bataille pour Marioupol semble pliée malgré la résistance des derniers combattants retranchés sur le site métallurgique d’Azovstal.
“La situation est stressante, car la nuit a été marquée par un pilonnage massif”, a d’ailleurs décrit le maire de la deuxième plus grande ville d’Ukraine, Igor Terekhov, rapporte ce jeudi CNN. Selon l’édile, “deux marchés ont été détruits” à Kharkiv et les pompiers s’y affairaient pour ”éteindre des incendies”. “Un autre bâtiment résidentiel a été directement visé”, a-t-il ajouté.
Mercredi, le ministère ukrainien de la Défense rapportait des “tentatives d’assaut” des troupes russes sur les localités de Soulyguivka et Dibrivné, dans la région de Kharkiv.
Frappes et incertitudes dans le sud de l’Ukraine
Le sud de l’Ukraine subit aussi les assauts des troupes russes. Des bombardements ont été constatés à Mala Tokmatchka et d’Orikhiv, à 70 km au sud-est de Zaporijjia. Ces deux villages se trouvent entre la région de Marioupol et la ville de Kherson, première grande ville prise par l’armée russe dès le début mars.
Les autorités ukrainiennes ont indiqué jeudi matin que les forces russes “poursuivent leurs tirs d’artillerie sur toute la ligne de front” dans le reste du sud du pays. De nouvelles frappes ont eu lieu sur Mykolaïv, sur la route d’Odessa, qui ont fait un mort et deux blessés, selon son gouverneur Vitaly Kim.
De son côté, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir mené une série de frappes aériennes, notamment sur la zone de Mikolaïv, et visé à l’artillerie près de 60 “centres de commandement” ukrainiens, dans l’est et le sud du pays. Mais bombardée au début du mois d’avril, la ville d’Odessa, située à plus de 200 kilomètres de Kherson, semble pour le moment épargnée par la Russie.

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