Publié par CEMO Centre - Paris
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La longue portée des massacres en Ukraine

lundi 18/avril/2022 - 08:00
La Reference
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Depuis les sinistres premières images de Boutcha que le monde découvrait le 1er avril, chaque jour a apporté la confirmation des massacres commis par l’armée russe en terre ukrainienne contre des civils. Il faut y ajouter les viols, dont les témoignages s’accumulent… Depuis, la procureure générale d’Ukraine, Iryna Venediktova, a fait savoir que 1 200 corps avaient déjà été découverts dans la région de Kiev et que 5 600 enquêtes avaient été ouvertes sur 500 suspects.
Moscou a aussitôt parlé d’accusations sans fondement, de montages, de crimes commis par les Ukrainiens contre leur propre peuple. Peu après, un missile frappait la gare de Kramatorsk, alors que reprenaient les évacuations en train de la population de cette ville devenue l’un des objectifs de l’armée russe depuis qu’elle a quitté les environs de Kiev. Au moins cinquante-deux morts ! De nouveau, l’armée russe niait et accusait…
À Moscou, aucune enquête ni aucune sanction n’a été annoncée. On a appris que le général Alexandre Dvornikov, qui a servi en Syrie, prenait le commandement des opérations en Ukraine. Les antécédents syriens de l’armée russe ne sont pas pour rassurer les civils ukrainiens.
Que penser de ces massacres, au-delà de la condamnation qu’ils suscitent ? Ils exercent un effet de sidération non seulement sur l’adversaire direct, mais, à plus longue portée, sur les opinions publiques. Depuis début avril, ils occupent presque tout l’espace médiatique et voilent le reste. On sait, au moins depuis la guerre en ex-Yougoslavie, que les massacres ne sont pas des accidents ni même les sinistres effets collatéraux de la guerre : ils font partie de la panoplie des moyens employés pour l’emporter.
Troubler les esprits
Par la terreur qu’ils inspirent, ils visent à empêcher l’adversaire de penser, à créer une forme d’obscurité mentale. Certains accusent déjà les Ukrainiens d’essayer d’en tirer profit ! Tout cela capte une partie de l’énergie et du sang-froid nécessaires pour organiser la résistance et la contre-offensive.
La guerre que mène la Russie ne vise pas seulement l’Ukraine, même si c’est sur son territoire que se déroulent les combats militaires. Une guerre hybride – réfléchie en Russie depuis le début des années 2000, et dont la synthèse théorique a été présentée en 2013 par le général Valéri Guerassimov, chef d’état-major russe – est menée depuis longtemps déjà dans le champ de l’information et dans le cyberespace. Au-delà de l’Ukraine, elle a pour cible les pays de l’Union européenne et les membres de l’Otan. Jamais déclarée, elle est néanmoins une guerre, avec ses offensives successives. Les massacres sur le champ de bataille en font partie, car ils peuvent ébranler psychologiquement les opinions publiques et, la désinformation aidant, les diviser.
 Vladimir Poutine devra-t-il être jugé, si des crimes de guerre sont avérés ? 
Débattez !
Dans l’esprit de Vladimir Poutine, la capacité de troubler les esprits est une arme. Il en a usé, à différentes reprises, notamment en brandissant la menace nucléaire – dès 2014, après la prise de la Crimée. Les dirigeants occidentaux répètent que nous ne deviendrons pas des « cobelligérants ». Mais nous sommes déjà, si l’on peut dire, « cobelligérés » par Moscou. Poutine a maintes fois expliqué à son opinion publique, pour la mobiliser, que les États-Unis et l’Union européenne étaient les agresseurs. La Russie nous combat déjà de multiples manières, tout en nous maintenant à distance. Poutine a pensé que nous finirons par abandonner les Ukrainiens. À nous d’avoir le courage de rester solidaires de Kiev et de résister, nous aussi, à sa guerre.

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