« La guerre russe en Ukraine est entrée dans une nouvelle phase, militaire, idéologique et géopolitique »
La stratégie de Moscou en
Ukraine marque un tournant. Les négociations sont dans l’impasse,
l’offensive militaire se concentre sur le Donbass et le Sud-Est. L’acte II
de la guerre s’annonce plus dur encore et les Européens n’ont d’autre choix que
de s’y impliquer davantage, observe dans sa chronique Sylvie Kauffmann,
éditorialiste au « Monde ».
Chronique. Au moins, les choses sont claires. A son tour, le chancelier autrichien,
Karl Nehammer, a fait le voyage à Moscou, lundi 11 avril, dans l’espoir
que, représentant un pays non membre de l’OTAN, il pourrait arracher quelque
chose, un cessez-le-feu, une concession peut-être, à Vladimir Poutine dans sa
guerre contre l’Ukraine. Lui aussi s’est cassé les dents. Cela « n’a
pas été une visite amicale », a-t-il reconnu sur le chemin du
retour. Cet entretien, « dur », avec un
président russe « massivement pénétré d’une logique de
guerre » l’a rendu « plutôt pessimiste ».
Il y a
de quoi. Les crimes de guerre commis par l’armée russe dans les environs de
Kiev ont marqué un tournant. Même le président français Emmanuel Macron, adepte
du maintien du fil du dialogue avec M. Poutine envers et contre tout, ne
lui a plus parlé depuis le 29 mars. Mais surtout, sept semaines après son
déclenchement, la guerre russe en Ukraine est entrée dans une nouvelle phase, militaire,
idéologique et géopolitique. Et l’acte II de ce drame européen s’annonce
plus dur encore.
Nouvelle phase militaire
Après l’échec du scénario initial de
l’opération éclair qui visait à renverser le pouvoir à Kiev et à prendre le
contrôle du pays, Moscou a modifié sa stratégie. Les forces russes qui devaient
prendre Kiev, mises en échec par la résistance ukrainienne, se sont repliées.
Le Kremlin veut éviter l’enlisement dans une guérilla sur un territoire trop
vaste et rebelle.
L’action est à présent concentrée sur l’Est
et le Sud-Est, plus proches des bases de la Russie. Pilonnée depuis des
semaines, Marioupol est sur le point de tomber. L’armée russe prépare une
offensive sur l’ensemble du Donbass ; elle va y affronter les troupes
ukrainiennes les plus aguerries et les mieux équipées. Vladimir Poutine,
expliquent ses thuriféraires à Moscou, a besoin d’une victoire pour sa parade
du 9 mai, célébration traditionnellement grandiose de la victoire de la
« grande guerre patriotique » : un trophée ukrainien de l’« opération
militaire spéciale » arriverait à point nommé. Mardi, le
président russe a estimé que les négociations avec l’Ukraine étaient « dans
l’impasse » ; « l’opération sera donc menée à son terme ».