Syrie : Michelle Bachelet souligne l'urgence d'agir pour les milliers de disparus
samedi 09/avril/2022 - 02:23
« L'ampleur de cette tragédie est intimidante, avec des personnes qui disparaissent dans différents contextes, comme par exemple pendant des affrontements, des déplacements ou en détention. Trop souvent, ces disparitions sont liées à toute une série de violations et d'abus des droits de l'homme », a-t-elle expliqué, s'exprimant par visioconférence depuis Genève.
« Des hommes et des femmes, ainsi que des enfants, y compris des garçons âgés d'à peine 11 ans, ont subi des violences sexuelles pendant leur détention », a précisé la Haute-Commissaire aux droits de l’homme.
Des familles dans la douleur
Mme Bachelet a indiqué aux ambassadeurs que malgré l’inlassable travail des groupes de victimes et de survivants, ainsi que de la société civile, le statut actuel de ces personnes demeure inconnu.
Certaines ont été victimes de disparitions forcées, d'enlèvements ou de détentions arbitraires.
La défenseure des droits humains chilienne a évoqué la douleur vécue par leurs familles, soulignant qu’elles doivent également être considérées comme des victimes.
« Il est urgent qu'elles soient informées du sort de leurs proches et du lieu où ils se trouvent et qu'elles soient autorisées à leur rendre visite ou à communiquer avec eux », a-t-elle déclaré.
Les femmes, les enfants et les autres groupes vulnérables sont plus susceptibles de voir leurs droits fondamentaux affectés par des sanctions unilatérales.© UNICEF/Delil Souleiman
Les femmes, les enfants et les autres groupes vulnérables sont plus susceptibles de voir leurs droits fondamentaux affectés par des sanctions unilatérales.
Les femmes portent le fardeau
L'impact sur les femmes de leurs familles, ainsi que sur les enfants, a été particulièrement grave.
Des femmes ont été contraintes de devenir le seul soutien de famille tout en menant des recherches « souvent terrifiantes et démoralisantes » pour retrouver leurs proches.
« Beaucoup sont incapables de maintenir des moyens de subsistance de base, d'accéder à leurs biens, aux documents d'état civil, aux comptes bancaires ou à l'héritage, en partie en raison de la persistance de lois et de pratiques discriminatoires antérieures au conflit », a déclaré Mme Bachelet.
Représailles, extorsions et pots-de-vin
En outre, de nombreuses femmes doivent se battre pour obtenir la garde de leurs propres enfants, souvent sans soutien social et face à une stigmatisation plus large de la communauté.
Les familles sont également confrontées à d'autres obstacles et abus qui ne font qu'ajouter à leur traumatisme, a signalé la cheffe des droits de l'homme des Nations Unies.
Il s'agit notamment de la peur des représailles lorsqu'elles signalent des cas d'extorsion ou des pots-de-vin, ainsi qu'un marché noir « horrible » de faux rapports de détention et d'interrogatoire.
Bâtiments détruits à Harasta, Ghouta orientale, Syrie (archives)© UNICEF/Amer Almohibany
Bâtiments détruits à Harasta, Ghouta orientale, Syrie (archives)
Les familles doivent avoir leur mot à dire quant aux solutions
Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH) prépare actuellement un rapport sur la question des personnes disparues en Syrie et s'engage à faire en sorte que les victimes et leurs familles aient voix au chapitre dans toute solution.
« L'opinion des familles doit éclairer toute option visant à résoudre ce problème, et leur participation active doit être reconnue », a déclaré Mme Bachelet.
« Non seulement elles sont les plus touchées ; mais leur voix est cruciale pour identifier les besoins de leurs familles et des communautés touchées par cette tragédie, y compris le soutien financier et psychosocial », a-t-elle dit.
L'accent sur le genre est essentiel
Le HCDH veut également s'assurer que l'impact sexospécifique des personnes disparues est également pris en compte et le point de vue des femmes sur cette question est essentiel, a-t-elle ajouté.
Des consultations sont en cours avec de nombreux organismes pertinents, tels que la Commission d'enquête sur la Syrie, le Comité international de la Croix-Rouge, la Commission internationale des personnes disparues et le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires.
Mme Bachelet a déclaré que les gouvernements peuvent également « contribuer puissamment » à l'action sur cette question et que son Bureau a sollicité leurs contributions.
Elle a toutefois souligné que le processus d'élaboration du rapport n'est pas une fin en soi.
« Il est essentiel que la communauté internationale réagisse à l'ampleur et à l'horreur des violations et des crimes commis en Syrie en prenant des mesures concrètes pour défendre plus fermement les droits humains, la dignité humaine et la justice », a-t-elle conclu.