3 LIVRES POUR COMPRENDRE L'HISTOIRE QUI RELIE LA RUSSIE ET L'UKRAINE
samedi 09/avril/2022 - 02:18
Depuis plus d'un mois maintenant, la Russie a déclaré la guerre à l'Ukraine. Pourtant, une longue histoire unit ces nations, comme l'illustrent les littératures de ces deux pays. Trois spécialistes nous proposent une sélection d'œuvres pour se plonger dans cette relation complexe
Les armes peuvent toujours couvrir les voix, les tractations des négociateurs s'interrompre, le dialogue silencieux que les livres proposent à leurs lecteurs ne connaît, lui, pas de fin. Depuis le 24 février dernier et son invasion par la Russie de Vladimir Poutine, l'Ukraine est à feu et à sang.
Entre son asservissement dans l'empire des Tsars, la tyrannie soviétique et la famine stalinienne des années 1930, le pays s'est souvent trouvée en butte à son puissant voisin au cours des dernières décennies. Une relation complexe et douloureuse qui marie cependant leurs cultures respectives entre elles.
Essayistes, écrivaines, enseignantes, traductrices: BFMTV.com a demandé à trois grandes spécialistes de ces littératures slaves de nous proposer une brève liste d'œuvres permettant d'explorer ce rapport d'amour, de haine, parfois déchiré et toujours reprisé, entre la Russie et l'Ukraine. Nous avons retenu pour chacune un ouvrage en offrant un exemple particulièrement éloquent, commenté par nos interlocutrices.
• Le discours sur Pouchkine, de Fiodor Dostoïevski
Quand Fiodor Dostoïevski prononce son discours sur Alexandre Pouchkine le 20 juin 1880, le poète est mort depuis 43 ans et lui-même n'en a plus que pour quelques mois. Sa prise de parole célèbre l'édification d'une grande statue de son aîné à Moscou. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'auteur - entre autres - des Démons et des Frères Karamazov, va trouver des mots à la hauteur des circonstances et de la sculpture, comme le retrace pour BFMTV.com Marguerite Souchon, professeure de russe et autrice du Dieu de Dostoïevski.
"Son discours a un succès fou", explique-t-elle. "Dans la salle, il y a des gens qui s'évanouissent, qui pleurent. C'est un moment fédérateur." Dostoïevski, note-t-elle, va aussi rassembler bien au-delà: deux courants, comme deux visages de son pays et des cultures slaves. "Par ce discours, il réconciliait les occidentalistes et les slavophiles", expose-t-elle.
Car au cours de son histoire, au moins depuis la tournée de Pierre le Grand - fondateur du régime des Tsars au tournant des XVIIe et XVIII siècles - aux Pays-Bas, en Prusse, en Italie et en France, ce pays d'icônes et de popes ne sait pas à quel saint se vouer: l'Europe ou l'Asie, l'Ukraine ou la Sibérie. "L'Ukraine fait alors partie à part entière de l'empire russe", rappelle Marguerite Souchon.
L'essayiste ajoute que, de toutes façons, pour Dostoïevski, "la Russie était la seule capable de réaliser cette synthèse, comme le montre le blason impérial, avec cet aigle qui regarde à la fois à l'est et à l'ouest".
"Et Dostoïevski fait de Pouchkine le Russe par excellence, celui qui réalise cette synthèse", poursuit-elle. L'autrice du Dieu de Dostoïevski nous précise que cette idée est indissociable de l'Eglise orthodoxe selon le romancier. "Sa foi a toujours été un guide, un enjeu civilisationnel plutôt que personnel", caractérise Marguerite Souchon.