Guerre en Ukraine : les sanctions contre la Russie "ont montré une certaine efficacité" depuis le début du conflit
mardi 05/avril/2022 - 01:14
Depuis plusieurs jours, les soldats ukrainiens reprennent des villes aux mains des Russes, mais sur place, ils découvrent des charniers... Face à cette situation, l'Occident a annoncé travailler à de nouvelles sanctions à l'encontre de la Russie. L'objectif : affaiblir la puissance militaire pour mettre fin au conflit. Mais sont-elles efficaces ? Eléments de réponse.
Les images ont fait le tour du monde ce week-end. Celles des rues de la ville de Boutcha, au nord de Kiev, jonchées de corps de civils tués lors de la féroce occupation de la cité par l’armée russe. Pour l’heure, on ne sait pas combien de personnes ont péri dans des conditions indignes dans ces territoires récemment repris aux troupes de Moscou.
Dimanche, la procureure générale d’Ukraine a indiqué que les dépouilles de 410 civils avaient été retrouvées dans cette région. Hier, Iryna Venediktova a révélé que 4 000 crimes de guerre avaient été commis depuis l’invasion russe. "Il y a un nom derrière chacun de ces crimes", a assuré la magistrate.
Face à ces nouvelles exactions, l’Union européenne a indiqué lundi qu’elle discutait "en urgence" de nouvelles sanctions contre Moscou. Une arme économique plusieurs fois brandie depuis le début du conflit, mais dont les effets ne semblent pas, pour l’heure, entamer la détermination de Moscou de poursuivre son entreprise militaire en Ukraine.
"La Russie a dû revoir ses ambitions militaires à la baisse"
Et pourtant… Carole Grimaud-Potter, professeure de géopolitique et spécialiste de la Russie à l’université de Montpellier, relève que le pays n’a pas subi un tel niveau de sanctions depuis… la révolution de 1917. Or, en un peu plus d’un mois de guerre, ces mesures de rétorsion ont, selon l’experte, "montré une certaine efficacité". "Ces décisions ont eu des conséquences négatives sur la Russie dans le sens où le Kremlin a dû revoir ses ambitions militaires à la baisse en raison du coût devenu trop élevé de la guerre", explique-t-elle notamment.
"Il faudra davantage d’éléments et analyser cela en détail, enchaîne-t-elle, mais on peut penser que les sanctions qui pèsent sur l’économie russe ont joué un rôle sur la décision militaire de se retirer de Kiev pour se concentrer sur le Donbass, territoire qui représenterait une victoire pour l’opinion publique russe. Pour Poutine, il faut rapporter quelque chose de cette guerre, à tout prix", affirme la professeure.
"Mettre l'économie russe à genou"
Selon Carole Grimaud-Potter, les menaces occidentales qui pèsent sur le gaz ou le pétrole russes sont les plus "prégnantes". Alors que se pose de manière urgente la question d’un embargo sur le gaz russe, l’universitaire estime que si la Russie perdait cette "manne financière", cela "plongerait son économie dans le chaos. Or, poursuit-elle, quand les appareils d’Etat, comme la police, les hôpitaux, etc. ne pourront plus fonctionner, les conséquences risquent d’être dramatiques pour le pays qui pourrait faire face aux mêmes difficultés que celles que le régime avait connues dans les années 1990".
Concrètement, "beaucoup de Russes risquent de voir leur niveau de vie baisser, ce qui va causer de gros dégâts au sein de la société", estime-t-elle. Avec, en creux, un autre effet espéré : "Un renversement de l’opinion publique russe qui subira bientôt de plein fouet la réalité de ces sanctions et qui pourrait ainsi se retourner contre Vladimir Poutine." En somme, conclut l’experte, le régime des sanctions "est un jeu d’équilibre entre ce que cette guerre coûte à la Russie et ce qu’elle pourrait lui apporter."