En Russie, l’heure est à la dénonciation des opposants à « l’opération spéciale »
vendredi 01/avril/2022 - 12:35
Comment ne pas répondre à cœur ouvert à des adolescentes qui viennent vous trouver, désemparées, à la fin d’un cours ? C’est probablement ce que s’est dit Irina Guen, professeure d’anglais dans une école de Penza, en Russie centrale, quand deux de ses élèves de huitième classe (l’équivalent de la 3e) lui ont demandé pourquoi les compétitions sportives auxquelles elles devaient participer en Europe étaient annulées.
Les deux adolescentes avaient-elles prévu de piéger leur professeure ? Ou bien, choquées par sa réponse, ont-elles allumé un dictaphone en cours de conversation ? Seule chose certaine, la réponse donnée, ce 18 mars, par la professeure de 55 ans ne correspond pas au canon des instructions données par le ministère de l’éducation dès le début de « l’opération spéciale » contre l’Ukraine.
Extrait :
« Tant que la Russie ne se comportera pas de manière civilisée, cela durera éternellement, explique Mme Guen à ses élèves. Ils ont commencé à bombarder l’Ukraine occidentale… Ils voulaient aller jusqu’à Kiev, renverser Zelensky, son gouvernement… C’est un Etat souverain, vous comprenez ?
– Nous ne connaissons pas toutes ces nuances !
– C’est bien le problème, vous ne savez rien. Je regarde cent, deux cents sources différentes, et vous, pas une seule… Nous vivons dans un régime totalitaire, celui qui pense autrement est un criminel d’opinion. On finira tous par prendre quinze ans. A commencer par moi, d’ailleurs, je vais prendre quinze ans… »
Cette peine n’est pas citée au hasard : une loi spécialement adoptée début mars punit la diffusion de « fausses nouvelles » sur l’armée ou « discréditant » son action jusqu’à quinze ans de prison. Or, le problème est que, avant d’atterrir entre les mains du site d’information Baza, l’enregistrement avait été envoyé directement à la police locale… par les deux sportives en herbe (l’une pratique le karaté, l’autre la natation).