Guerre en Ukraine : « Aux Etats-Unis, le syndrome de l’Irak et celui de l’Afghanistan ne se sont pas dissipés »
vendredi 25/mars/2022 - 06:12
Quand il discute avec ses alliés européens de la réponse à apporter à l’invasion russe, le président américain, Joe Biden, a en tête les semi-défaites des guerres menées par les Etats-Unis depuis vingt ans, analyse Alain Frachon, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.
Chronique. Les « guerres lointaines » de l’Amérique, celles qui marquèrent le début du siècle, pèsent sur la politique de Joe Biden en Ukraine. Les situations ne sont pas comparables mais, outre-Atlantique, le syndrome de l’Irak et celui de l’Afghanistan ne se sont pas dissipés. Ces mauvais souvenirs de semi-défaites, le président américain les a en tête quand il débat avec ses alliés européens – cette semaine, à l’OTAN à Bruxelles – de la guerre en Ukraine.
Avant même le début de l’agression russe, Joe Biden a dit qu’aucun soldat américain n’irait se battre pour Kiev. Le « leader » de l’OTAN avait « téléphoné » sa position à l’avance à son homologue russe : pas de participation directe au combat des Ukrainiens. Au moment d’engager ses troupes, Vladimir Poutine savait. Ce qui ne l’a pas empêché de dénoncer le bellicisme naturel de l’OTAN pour justifier l’attaque menée contre un pays qui ne menaçait aucunement la Russie. L’homme du Kremlin mène une « guerre de choix », pas de nécessité.
Le président américain a de très bonnes raisons pour faire valoir sa position. Il aurait pu, cependant, choisir de rester dans le flou ou l’ambiguïté – comme il le fait concernant Taïwan, l’île autonome dont la Chine veut prendre le contrôle. L’Ukraine n’est pas membre de l’Alliance atlantique et ne bénéficie pas d’une protection automatique. Une confrontation directe entre les Etats-Unis et la Russie peut transformer la guerre russo-ukrainienne en un conflit de beaucoup plus grande ampleur. Elle peut mettre à l’épreuve la pratique que les uns et les autres ont de la théorie de la dissuasion, qui sous-tend que les armes nucléaires en leur possession ne doivent jamais être utilisées.
« Pour la classe moyenne »
Contrairement à Donald Trump, son prédécesseur, Biden a situé sa politique étrangère dans un environnement particulier : la rivalité entre démocraties et autocraties. Or l’Ukraine, en voie de démocratisation, est agressée, aussi gratuitement qu’injustement, par un régime russe de plus en plus dictatorial. Elle est liée à l’Union européenne par un accord de partenariat. Principal grief de Moscou : l’Ukraine se dérussifie et s’occidentalise. Ambition affichée par Poutine : ramener ce pays sous la tutelle russe.