L'Iran vu depuis le chemin de fer transiranien
Étendus entre le littoral
étincelant de la mer Caspienne et les plaines fertiles du golfe Persique, les
1 393 km du chemin de fer transiranien sont considérés comme l’une
des plus grandes merveilles d’ingénierie du 20e siècle.
Les experts du monde entier se
sont confrontés à un défi de taille : l’itinéraire suggéré devait
traverser quatre climats différents et relier des chaînes de montagnes
vertigineuses, de profonds ravins, des déserts de sel, des forêts anciennes et
des plaines.
Inscrit à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 2021, le réseau de cette
entreprise comprend cent-soixante-quatorze grands ponts, 186 petits ponts
et 224 tunnels. Il a été construit entre 1927 et 1938. Cet exploit a nécessité
plus de 70 000 ouvriers, une cartographie détaillée et des prises de vues
aériennes. Du chemin de fer se tisse une étonnante toile de paysages, des
gratte-ciel de la capitale aux tombes et mosquées de Qom, en passant par les peuplements nomades des monts Zagros.
Le voyage en train vers le nord-est, reliant Andimeshk à Doroud, traverse
les monts Zagros à l’ouest du pays.
« Une fois assis dans le train depuis
Téhéran en direction du sud, vous basculez entre les saisons en un clin
d’œil », témoigne Yeganeh Morakabati, chercheuse en tourisme et
professeure associée à l’université de Bournemouth. Elle étudie les
conséquences de la violence politique sur le tourisme au Moyen-Orient et en
Afrique. « Et ce n’est pas tout. Vous avez aussi l’impression d’avoir
changé de pays, car les cultures et les peuples sont très différents. On parle
là d’un changement total de décor et même de langue. C’est phénoménal. »
Pourtant, l’image de l’Iran en tant que destination touristique
aux multiples facettes souffre depuis la révolution de 1979. Des dizaines
d’années de sanctions et des portraits
médiatiques négatifs de
la société du pays, dépeinte comme anti-occidentale, ont accentué la
marginalisation de la nation, déclare Mme Morakabati. Néanmoins, à mesure
qu’un plus grand nombre de touristes affluent dans le pays et se forgent leur
propre opinion, ces stéréotypes sont en passe de disparaître.
Avant la pandémie de
COVID-19, le tourisme en Iran battait son plein. Avec la Coupe du monde de la
FIFA 2022 organisée au Qatar non loin, à l’automne, le pays se prépare à un
afflux de voyageurs. Le
chemin de fer, initialement considéré comme l’un des projets d’infrastructure
les plus controversés d’Iran, se place au cœur des efforts de la nation pour
relancer le tourisme.
LA NAISSANCE D’UN CHEMIN DE FER
Aujourd’hui, le chemin de fer est symbole de modernité et d’unité. Toutefois à sa construction, il était sujet à controverse.
Le réseau ferroviaire iranien
a pris forme relativement tard par rapport à ses voisins de l’Empire ottoman, du Raj britannique et d’Égypte. Tous ces pays disposaient d’un réseau
dès la seconde moitié du 19e siècle, explique Mikiya Koyagi, professeur assistant à l’université du
Texas à Austin et auteur du livre Iran in Motion: Mobility, Space, and
the Trans-Iranian Railway (L’Iran en mouvement : mobilité, espace et chemin de fer
transiranien).