Entre 2020 et 2021, dans tout l’Irak, les violences basées sur le genre ont augmenté de 125 %, dépassant les 22 000 cas, selon l’Unicef. L’ONG évoque aussi « une augmentation inquiétante de la dépression et des suicides parmi les femmes et les filles, en particulier chez les déplacées et les réfugiées ».
Irak : au Kurdistan, le fléau des féminicides et des violences domestiques
dimanche 20/mars/2022 - 03:41
Une femme brûlée vive par son époux, d’autres tuées par balle par un père ou un frère : au Kurdistan d’Irak, les autorités locales et des ONG tirent la sonnette d’alarme sur les féminicides et les violences domestiques.
Dans cette région autonome du nord de l’Irak qui veut présenter une image de stabilité et de tolérance, les cas de féminicides et de violences faites aux femmes augmentent dangereusement. En janvier et février 2022, 11 femmes ont déjà été tuées au Kurdistan, la majorité d’entre elles par balle, selon Hiwa Karim Jwamir, porte-parole à Souleimaniyeh du Département gouvernemental de lutte contre les violences faites aux femmes. Pour l’ensemble de l’année 2021, le nombre de victimes était de 45 dans la région, contre 25 l’année précédente, ajoute-t-il.
Vendredi 18 mars, une adolescente de 15 ans a été tuée de six balles par son père dans le village de Soran. L’homme a dit à la police que sa fille « était sortie avec deux garçons à une heure tardive de la nuit », selon une unité de lutte contre les violences domestiques. Depuis des années, des militants dénoncent aussi excisions et mariages forcés dans une société irakienne largement conservatrice et patriarcale. En décembre dernier, une jeune fille de 16 ans a été défigurée à l’acide à Bagdad par un adulte qu’elle avait refusé d’épouser.
« La plupart des femmes qui sont tuées sont victimes d’un membre de leur famille », assure Bahar Munzir, directrice de l’ONG locale People’s development organization. Début mars, le cadavre de Maria Sami, 20 ans, connue pour ses discours féministes, a été retrouvé en bord de route à Erbil, capitale du Kurdistan. Le 9 mars, son frère adolescent a été arrêté par la police de Kirkouk et s’est justifié en affirmant que sa sœur n’obéissait pas à la famille.
En février, Shinyar Houner Rafik a été brûlée vive par son mari alcoolisé, arrêté par la suite. « Le gouvernement doit imposer le châtiment le plus lourd possible aux auteurs de ces crimes dits d’honneur qui n’ont rien à avoir avec l’honneur », a dénoncé le Premier ministre du Kurdistan Masrour Barzani. Hana Shwan, de l’ONG Civil Development Organization, pointe toutefois du doigt un climat d’impunité qui serait responsable de cette hausse des violences. « Il y a des manquements dans l’application de la loi et l’absence de procédures judiciaires contre les accusés », dit-elle.
En 2011, le Kurdistan avait voté une loi criminalisant l’excision et les violences domestiques. Le texte, prévoyant jusqu’à la perpétuité pour les auteurs de ces crimes, a été salué par les ONG, mais son application reste inégale. « Quand une femme est tuée, la façon dont les services de sécurité (puis judiciaires) traitent le cas n’est pas la même que si c’est un homme », affirme la militante Bahar Munzir. « Certaines affaires n’arrivent même pas devant les tribunaux. Elles font l’objet d’un arrangement entre la famille de l’auteur des violences et celle de sa victime. »