Libye : le plus grand gisement pétrolier du pays à l’arrêt
mardi 08/mars/2022 - 04:40
Un comble pour le pays qui dispose des réserves les plus abondantes d’Afrique et surtout au moment où le prix du baril de pétrole dépasse les cent dollars.
Coup dur pour la Libye. La compagnie nationale de pétrole du pays a annoncé dans un communiqué, dimanche, la suspension de la production pétrolière de deux gisements majeurs par un groupe armé. Selon Mustafa Sanalla, le patron du NOC, des hommes armés ont donné l'ordre de « fermer les vannes acheminant le brut sur les sites d'El-Charara et al-Fil », obligeant la compagnie à « déclarer l'état de force majeure », pour dégager ses responsabilités en cas de non-respect des contrats de livraison, a-t-il indiqué sur Facebook.
Une nouvelle qui tombe au plus mal pour les recettes du pays, dans un contexte de flambée des prix du pétrole à la suite de l'invasion russe de l'Ukraine et des sanctions internationales qui ont suivi. Le brut de référence mondial Brent a bondi à près de 120 dollars le baril jeudi dernier, avant de glisser pour s'échanger autour de 113 dollars à 16 h 22, heure de Londres ce lundi.
Ces dernières années, l'activité économique du pays, très dépendante du pétrole, a été l'otage des divisions entre les camps rivaux de l'Est et de l'Ouest. Certaines installations ont été détruites lors des conflits, en plus d'attaques ou blocus par des groupes armés ayant des revendications salariales ou sociales.
D'immenses pertes
Les pertes économiques sont déjà énormes pour la Libye, engluée dans une crise politique majeure depuis la mort de son guide Mouammar Khadafi en 2011. « La fermeture des vannes de pompage engendre des pertes de 330 000 barils par jour et une perte quotidienne de plus de 160 millions de dinars libyens (environ 32 millions d'euros) », a déploré la NOC.
La Libye dispose des réserves pétrolières les plus importantes d'Afrique à côté du Nigeria, de l'Angola et de l'Algérie. Le gisement d'El-Charara, situé à environ 900 km au sud de Tripoli, produit en temps normal 315 000 barils par jour, sur une production nationale de plus de 1,2 million de barils par jour, contre 1,5 à 1,6 million avant 2011. Le champ pétrolier d'El-Charara est le plus grand gisement pétrolier de Libye. Il était sous le contrôle des forces fidèles du maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'est du pays, riche en pétrole, appuyé par la Russie, l'Égypte, et les Émirats arabes unis.
Ce gisement est géré conjointement par la société Akakus, coentreprise entre la NOC, l'espagnol Repsol, le français Total, l'autrichien OMV et le norvégien Statoil.
Le gisement al-Fil, situé dans le bassin de Morzouq à 750 kilomètres au sud-ouest de Tripoli, est lui géré par la coentreprise Mellitah Oil & Gas, entre la NOC et le géant italien Eni. Sa production quotidienne est estimée à 70 000 barils.
La crise politique s'aggrave
Cet incident intervient au moment où le Parlement, basé à Tobrouk, tente de mettre sur la touche l'actuel Premier ministre Abdelhamid Dbeibah, toujours reconnu par les Nations unies, en intronisant Fathi Bachagha comme nouveau chef du gouvernement. L'élection de Bachagha crée pour l'instant plus de problèmes qu'elle n'en résout. En effet, le Premier ministre sortant Abdul-Hamid Dbeibah dit que « son gouvernement restera en fonction jusqu'à la tenue d'élections et qu'il ne passera la main qu'à un gouvernement élu ».
Déjà, en 2014 et 2016, ces deux gisements majeurs avaient fermé les vannes à cause du déclenchement de la guerre civile entre des gouvernements rivaux à Tripoli.
« Je suis avec inquiétude les informations sur la fermeture de champs pétroliers […], qui prive tous les Libyens de leur principale source de revenu », a tweeté Stephanie Williams, l'émissaire spéciale de l'ONU en Libye. « Le blocus pétrolier doit être levé », a-t-elle insisté.