La plus haute instance sunnite appelle l’État à une "révision de la politique extérieure du Liban"
dimanche 06/mars/2022 - 04:24
Le Conseil islamique chérié souligne la nécessité d'"exercer le droit et le devoir électoraux en votant ou se portant candidat" aux législatives, alors que le flou règne toujours sur la scène sunnite.
Le Conseil islamique chérié, haute instance sunnite au Liban, a appelé samedi l’État à une "révision globale et profonde de la politique extérieure" du pays qui n'a toujours pas réussi à rétablir ses liens diplomatiques avec les pays du Golfe. Alors que le flou règne toujours sur la scène sunnite suite au retrait de l'ancien Premier ministre Saad Hariri de la vie politique, il a également souligné la nécessité d'"exercer le droit et le devoir électoraux en votant ou se portant candidat".
"Face à l'échec des tentatives de restauration des liens entre le Liban et les pays arabes frères, notamment ceux du Conseil de coopération du Golfe (CCG), Arabie saoudite en tête (...)", le Conseil "appelle l’État à une révision globale et profonde de la politique extérieure du Liban, notamment avec ces pays et les pays amis, afin de préserver cette amitié, ainsi que les intérêts des Libanais à l'étranger conformément à la Charte de la Ligue arabe dont le Liban était l'un des fondateurs".
Le Liban entretient toujours des liens tendus avec les pays arabes, notamment ceux du Golfe, en raison de la puissance grandissante du Hezbollah dans le pays, bête noire de Riyad. La situation s'est aggravée après des propos hostiles de l'ancien ministre de l'Information Georges Cordahi au rôle de la coalition saoudienne dans la guerre au Yémen.
Une feuille de route arabe avait été transmise à Beyrouth par le Koweït en janvier, comprenant plusieurs requêtes de la communauté internationale, comme l'organisation des législatives et le lancement de réformes, ainsi que certains points comme l’appel au respect de la résolution 1559 de l'ONU. Fin janvier, le Koweït avait annoncé que la réponse du Liban aux propositions était "à l'étude" et que des décisions seraient prises sur la suite à donner à cette initiative. Mais aucun retour n'a encore été signalé. Début décembre, Paris et Riyad avaient affirmé vouloir "s'engager pleinement" en vue d'une relance des liens entre Beyrouth et le royaume wahhabite. En début de semaine, les deux pays avaient annoncé un financement franco-saoudien de projets humanitaires destinés à la population libanaise.
Législatives et frontière maritime
Côté législatives, la plus haute instance sunnite dans le pays a par ailleurs souligné la nécessité d'"exercer le droit et le devoir électoraux en votant ou se portant candidat, dans l'espoir de sortir du cercle vicieux de la corruption financière et politique et de la mauvaise gestion publique". Le Conseil a par ailleurs mis en garde contre tout "report des législatives qui aura des conséquences négatives et dangereuses sur le Liban et les Libanais". Il a enfin appelé à organiser les élections "avec transparence" et à adopter un dialogue national rationnel et équilibré qui appelle à l'union du rang islamique et national".
Ces propos interviennent au lendemain de la démission de l'ex-député Moustapha Allouche, l'une des figures centrales du Courant du Futur, la formation dirigée par Saad Hariri. À deux mois des élections, la scène sunnite est en effet toujours dans le brouillard, la décision de M. Hariri risquant de démobiliser l’électorat de cette communauté et de permettre au Hezbollah de rafler la mise. Si l'ancien Premier ministre Tammam Salam avait annoncé auparavant qu'il renonçait à briguer un siège au Parlement, le Premier ministre Nagib Mikati et l'ancien chef du gouvernement Fouad Siniora avaient affirmé qu'ils n'appelleront pas à un boycott sunnite des législatives. Le frère de Saad Hariri, Baha', a pour sa part annoncé que son mouvement Sawa li Lubnan présentera une trentaine de candidats aux législatives, sans toutefois confirmer sa propre candidature.
En attendant, les contacts entre les autres barons se poursuivent, et les lignes bougent. Selon notre chroniqueur Mounir Rabih, M. Siniora a constaté que sa propre candidature ne serait pas forcément bien reçue à Beyrouth et considère en conséquence que l'ex-ambassadeur du Liban à l'ONU Nawaf Salam est le mieux armé pour mener cette bataille. L’ambassadeur d'Arabie saoudite Walid Boukhari a récemment repris langue avec lui, une indication que l’Arabie saoudite pourrait s'intéresser à nouveau aux élections libanaises.
Abordant le dossier du tracé de la frontière maritime avec Israël, le Conseil islamique chérié a exprimé l'espoir que "les négociations aboutiront à une étape décisive qui préservera tous les droits du Liban à ce niveau".
Les négociations entre le Liban et l’État hébreu, sous les auspices de Washington et des Nations unies, sont interrompues depuis décembre 2020 quand le président Michel Aoun avait opté pour des demandes maximalistes : la ligne 29 qui lui octroierait 1 430 km2 supplémentaires. Le chef de l’État avait refusé par la suite de signer l’amendement du décret 6433 auprès de l'ONU, condition sine qua non pour officialiser cette requête. Il avait toutefois revu les prétentions du Liban à la baisse, revenant ainsi sur cette surenchère qu’il avait alimentée pendant plusieurs mois.
Samedi, le chef du groupe parlementaire du Hezbollah Mohammad Raad a affirmé que le parti chiite "n'est pas concerné par le tracé de la frontière maritime" avec Israël, qui "relève de la responsabilité de l’État", ce qui représente une position plutôt équilibrée quelques jours après que le même responsable avait assuré que la formation pro-iranienne ne renoncera pas à une seule goutte d’eau.