Publié par CEMO Centre - Paris
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« La Russie a déjà perdu la guerre de l’image, et c’est une très mauvaise nouvelle »

dimanche 06/mars/2022 - 03:55
La Reference
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Propagande sur les chaînes d’État russes, usage des réseaux sociaux par le président ukrainien Volodymyr Zelensky… La guerre en Ukraine n’est pas seulement un conflit armé, c’est une véritable guerre de la communication. Le but ? Gagner la bataille de l’opinion publique. Quel camp l’a gagnée pour l’instant ? Quelles sont les stratégies respectives ? Éléments de réponse avec Arnaud Mercier, professeur en communication à Paris-Panthéon-Assas, et auteur d’Armes de communication massive (éditions CNRS).

Dans quelle mesure assiste-t-on à une guerre de communication ?

Comme lors de toutes les guerres, l’enjeu de l’image est très important. Chaque belligérant essaye de maîtriser ce qui se diffuse de façon à préserver ses intérêts tactiques sur le terrain et à mobiliser l’opinion publique. Cela permet d’entretenir l’esprit de défense, c’est-à-dire le soutien de l’effort de guerre au sein de la population. Mais bien sûr, les enjeux de cette communication changent si on est l’agresseur ou l’agressé.

Justement, dans ses prises de parole, Vladimir Poutine a adopté une position de chef de guerre froid et distant, au contraire de Volodymyr Zelensky qui se montre sur le terrain, près de la population et des soldats, qui refuse de se faire exfiltrer par les Occidentaux. Qu’est-ce que cela dit de leur communication respective ?

Poutine est entravé dans sa communication. Pour des raisons tactiques, il a caché à l’opinion publique nationale et internationale ses réels objectifs. Il a laissé entendre qu’il allait intervenir dans le Donbass, or il a attaqué au sud, par la Crimée, et au nord par le Belarus dans le but de prendre Kiev le plus vite possible et décapiter le pouvoir. De plus, il a euphémisé cette intervention en parlant « d’opération spéciale » avec des frappes sur des sites militaires ukrainiens ciblés. Il n’y a donc pas de raison de faire une communication de guerre puisque ce n’est pas officiellement la guerre. En réalité, la propagande russe s’orchestre depuis des années, depuis le soulèvement fomenté chez les Ukrainiens russophones du Donbass. Elle explique aux Russes qu’il faudra bien intervenir un jour en Ukraine pour arrêter un « génocide » là-bas. C’est une propagande de justification.

Et pour le président Zelensky ?         

La position de Zelensky est plus « facile » que celle de Poutine car le pays est la victime. L’Ukraine a une légitimité à défendre son territoire car c’est un État souverain, protégé par le droit international. Le président Zelensky a été élu en 2019 avec 72 % des voix au second tour, son parti a la majorité au Parlement ukrainien. La propagande ukrainienne peut se construire sur la figure du pays agressé et servir à entretenir l’esprit de résistance. Dans ce contexte, il est facile d’héroïser le président lui-même : il fait donc savoir qu’il a refusé de se faire exfiltrer par les armées françaises ou américaines, il reste sur le terrain au milieu de ses soldats et de la population, il interpelle les chefs d’État du monde entier pour obtenir un soutien.

Comment le passé de comédien du président Volodymyr Zelensky l’aide dans sa communication avec le peuple ukrainien ?

Il a un art certain de la mise en scène et de la captation de l’attention. Il a d’ailleurs fait campagne avec une équipe qui l’avait accompagné dans son passé d’acteur, et le nom de son parti créé ex nihilo était celui de la série dans laquelle il incarnait le président de l’Ukraine : Serviteur du peuple. En même temps, à l’instar de ses compatriotes, il est habité par un véritable réflexe patriotique. Le peuple ukrainien n’a pas envie de revivre sous la botte des Russes, donc ils sont réceptifs au discours de celui qui leur promet d’être le héros de la résistance.

 

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