Sahel: retrait français du Mali et réorganisation régionale en vue
Selon plusieurs sources concordantes, le président Emmanuel Macron doit annoncer mercredi soir ou jeudi un retrait du Mali des forces françaises de l'opération Barkhane en marge d'un sommet Union européenne - Union africaine prévu à Bruxelles. Symbole d'une Europe de la défense chère au président français, le groupement européen de forces spéciales Takuba, initié par Paris en 2020 pour partager le fardeau sécuritaire, devrait également quitter le pays.
Un mini-sommet entre chefs d'Etat des pays du Sahel et la France doit avoir lieu à Paris avant l'annonce, a annoncé la présidence tchadienne.
"C'est impossible de continuer dans ces conditions, tous les autres alliés pensent la même chose", a confié à la presse estonienne le ministre estonien de la Défense, Kalle Laanet, en évoquant les obstructions répétées du pouvoir malien à l'action des partenaires étrangers: expulsion de l'ambassadeur de France, départ exigé d'un contingent danois venu participer à Takuba... Sans compter qu'"aucune élection démocratique n'est prévue", contrairement à la promesse initiale de la junte de rendre rapidement le pouvoir aux civils, a-t-il fait valoir.
Entravée et vilipendée depuis plusieurs semaines par la junte de Bamako arrivée au pouvoir au terme de deux coups d'Etat, la France a intensément consulté ses alliés pour trancher sur l'avenir de leur action au Mali, après neuf ans de lutte antijihadiste ininterrompue à laquelle elle avait fini par réussir à associer des partenaires européens.
Aujourd'hui, Européens de Takuba comme les partenaires britanniques et américains, qui contribuent à l'effort au Mali, semblent avoir surmonté certains désaccords, en particulier sur le risque de laisser le champ libre à l'influence russe au Mali, alors que les Occidentaux accusent la junte de recourir à la sulfureuse société de mercenaires russe Wagner, selon plusieurs sources proches du dossier interrogées par l'AFP.
Ce front uni constituait un impératif politique pour l'Elysée, dans un double souci: atténuer l'exposition de la France, ex-puissance coloniale, sur fond de sentiment anti-français croissant au Sahel, et éviter une comparaison peu flatteuse avec le départ unilatéral et chaotique des Américains en Afghanistan en août dernier.
Selon une source française proche de l'Elysée, la France a promis de coordonner son retrait avec la mission de l'ONU au Mali et la Mission de formation de l'Union européenne au Mali (EUTM), qui continueront de bénéficier d'un soutien aérien et médical français sur place, avant le transfert ultérieur de ces moyens.
- "Game changer" -
"Le vrai +game changer+, c'est que du jour au lendemain les forces armées maliennes seront privées de notre appui aérien, ce qui pose un risque de vide sécuritaire", souligne cette source à l'AFP.