Publié par CEMO Centre - Paris
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« Memory Box », la mémoire morcelée de la guerre au Liban

mardi 18/janvier/2022 - 08:30
La Reference
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Exilées au Canada, une femme et sa fille se replongent dans le Beyrouth des années 1980 à travers cahiers et photos exhumés du passé dans ce joli film sur la transmission qui regorge d’inventions visuelles.
Dans la dernière scène du film, un plan panoramique embrasse le port de Beyrouth et évoque irrépressiblement l’imminence de la catastrophe qui va plonger à nouveau le Liban dans le chaos. Les deux réalisateurs, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, ont achevé Memory Box quelques mois à peine avant la dramatique explosion d’août 2020 qui a ravagé une partie de la ville et effacé en quelques secondes des décennies d’efforts pour panser les plaies d’une guerre civile douloureuse.
Avec ce quatrième long métrage, en compétition l’année dernière à Berlin, ce couple de plasticiens et cinéastes dont le travail explore la mémoire de leur pays a, sans le vouloir, dressé un pont entre ces deux événements. Et rendu d’autant plus actuel le réveil des fantômes du passé qui viennent hanter leurs héroïnes, Maia, exilée depuis vingt-cinq ans au Canada, sa mère Téta et sa fille adolescente Alex. Trois générations de femmes qui vivent murées dans le silence et l’oubli.
Une veille de Noël, alors qu’une tempête de neige s’abat sur Montréal, un paquet en provenance de Beyrouth vient réveiller de vieux souvenirs. Maia, bouleversée par son contenu, s’empresse de le ranger à la cave mais Alex, intriguée, va l’ouvrir pour tenter de comprendre ce que la mère lui cache.
Elle découvre des cahiers, photos et cassettes que Maia, adolescente, envoyait dans les années 1980 à sa meilleure amie, Liza, partie avec sa famille se réfugier en France. Des carnets en forme de journal intime qui raconte sa vie au jour le jour à Beyrouth pendant la guerre, avec ses hauts et ses bas, l’insouciance de la jeunesse et de ses premiers émois amoureux, tout comme les déchirements et les drames liés au conflit dans une ville qui se transforme peu à peu en champ de ruines.
Des allers-retours entre deux pays et deux époques
Sous les yeux d’Alex, les photos s’animent, rythmées par la bande-son de l’époque (Visage, Blondie, Kim Wilde, etc.) et nous entraînent dans une série d’allers-retours entre deux pays et deux époques. Entre deux adolescentes, aussi, qui documentent leur vie de la même façon, même si entre-temps la technologie a changé. Quelle jolie idée, à l’heure du numérique et des smartphones, que d’avoir travaillé sur la texture de la photo argentique et de la pellicule pour évoquer cette époque à jamais enfouie dans cette « boîte à souvenirs » et d’établir ainsi un lien de transmission entre mère et fille !

L’idée a été inspirée aux réalisateurs par la propre correspondance de Joana Hadjithomas écrite à une amie entre 1982 et 1988 et par les photos que Khalil Joreige a prises à cette époque dans Beyrouth dévastée. Le film séduit dans sa première partie par ses trouvailles visuelles et son inventivité avant de prendre ensuite un tour plus mélodramatique, plus conventionnel aussi. Interrogée par sa fille, Maia fait remonter à la surface des images, interdites celles-là, et se libère d’un lourd secret qui lui permettra, à l’occasion d’un voyage sur place, de se réconcilier avec elle-même et avec son passé.

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