L’Italie et Malte accusées de contribuer aux crimes de guerre en Libye
mardi 18/janvier/2022 - 08:17
Dans une communication remise à la Cour pénale internationale à La Haye lundi 17 janvier, trois ONG de juristes italiens et libyens dénoncent les crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés à l’encontre des migrants détenus en Libye, avec la contribution indirecte des autorités italiennes et maltaises
Trois Marocains ont récemment trouvé la mort dans le centre d’Al-Mayah où sont détenus des migrants à l’ouest de la capitale libyenne, Tripoli. D’après l’ONG Libyan Crimes Watch, Abdelaziz El Harchi, 30 ans, est mort sous la torture début janvier. Mohammed Atta, 32 ans, qui était malade, est décédé faute de soins le 3 décembre 2021.
Quant au jeune Hamza Ghdada, 21 ans, l’ONG ne donne pas de précisions sur les circonstances de son décès. Elle réclame l’ouverture d’une enquête sur ces crimes et autres terribles violations des droits humains et pointe la responsabilité des autorités libyennes à Tripoli.
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Elles ne sont pas les seules coupables. L’Italie et Malte ont leur part de responsabilité dans les sévices infligés aux migrants en Libye – viol, torture, persécution, esclavage, détention arbitraire, etc. –, qui sont susceptibles d’être qualifiés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité puisqu’ils sont perpétrés dans des lieux de détention dirigés par des milices plus ou moins sous le contrôle des autorités de Tripoli, dans un contexte de conflit armé.
La CPI enquête depuis 2017 sur les crimes perpétrés en Libye
C’est ce que font valoir trois ONG de juristes, UpRights aux Pays-Bas, Strali en Italie et Adala for all en France, dans une communication transmise à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye le 17 janvier. Celle-ci enquête depuis 2017 sur les crimes commis contre les migrants, demandeurs d’asile et réfugiés en Libye.
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Non seulement l’Italie et Malte ont apporté un soutien matériel et financier et ont contribué à la formation des gardes-côtes libyens, mais en plus les fonctionnaires européens ont coopéré avec les gardes-côtes pour s’assurer que les migrants fuyant la Libye soient interceptés en mer et ramenés sur le sol libyen, là où ils seront à nouveau enfermés dans des lieux de détention et soumis à nombre d’abus. Pour les ONG, cette participation indirecte aux crimes commis en Libye engage la responsabilité pénale des États européens.
31 000 migrants interceptés en mer en 2021 et ramenés en Libye
Déjà le 23 novembre dernier, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et d’autres ONG avaient enjoint la CPI d’enquêter sur « la responsabilité des groupes armés, des milices et des acteurs étatiques libyens impliqués dans la commission de ces crimes » et mentionnaient 19 auteurs libyens présumés. Et elle demandait à l’Union européenne de stopper sa politique migratoire de soutien à la Libye.
« Les politiques de l’UE ont piégé les migrants et les réfugiés en Libye et contribuent ainsi de manière significative à cette grave situation », estimaient les signataires. Une démarche similaire auprès de la CPI avait également été entreprise en juin 2019 par un collectif d’avocats.
En 2021, « les gouvernements de l’UE ont continué à renforcer les politiques aux frontières de la Méditerranée, en déployant de plus en plus de drones pour surveiller la haute mer », rapporte le chercheur Matteo Villa, de l’Institut italien d’études politiques internationales. Selon lui, 31 000 migrants ont été interceptés en mer par les garde-côtes libyens et ramenés sur le sol libyen. Le Haut-Commissariat pour les réfugiés fait lui état de 1 971 morts et disparus en Méditerranée en 2021.