Des Egyptiens que j’ai connus à Paris (22) Al Sayyed Yassine, le Durkheim des Arabes
Les Causeries du vendredi à Paris
Des Egyptiens que j’ai connus à Paris (22)
Al Sayyed Yassine, le Durkheim des Arabes
Lorsque l’Alexandrin Al Sayyed Yassine obtint son doctorat de l’Université de Paris en 1966, les Arabes ne connaissaient pas le sens du terme « sociologie politique », ni du terme « sociologie littéraire ». Al Sayyed Yassine revint au Caire pour offrir à sa nation non seulement les fondements et les règles de ces sciences, mais aussi leurs méthodes d’application à la réalité sociale arabe, à travers des publications – devenues aujourd’hui des classiques en études sociologiques – sur les problématiques de la modernité, puis sur l’islam politique et la mondialisation.
Ensuite, Al Sayyed Yassine entreprit, avec Mohammad Hassanein Haykal, de fonder le fameux Centre d’Al Ahram d’Etudes politiques, avant de le diriger, près de vingt ans plus tard, et il en fit une université à l’intérieur du vénérable journal, avant de se lancer dans le combat des études sur l’islam politique, pour préparer la voie à l’analyse sociologique, et il faut mentionner aussi l’importance de sa collaboration avec le Dr Abdelrahim Ali au Centre arabe de recherches.
Paris était, pour Al Sayyed Yassine, le Quartier latin avec ses librairies, sa Sorbonne, et son grand ami, le penseur égyptien -et vieux parisien- Ossama Khalil. La visite d’Al Sayyed Yassine au bureau d’al Ahram à proximité des Champs-Elysées était un presque exil au milieu des touristes du monde entier, et en l’absence quasi-totale de librairies dans la fameuse avenue. Et il faut indiquer ici que le grand homme disparu fut l’un des quatre Egyptiens qui venaient spécialement à Paris pour acheter des livres – comme d’autres viennent pour y acheter des vêtements – les trois autres étant Mohammad Hassanein Haykal, Mohammad Salmawy et Anis Mansour. J'ai eu la chance de les accompagner la plupart du temps.
Ce que j’ai entendu de plus amusant de sa part – et parler avec lui était particulièrement intéressant et enrichissant – c’est sa description de l’écriture en lettres arabes – pour insulter la France en général – dans les banlieues de Paris, de la part des Français d’origine arabe, comme «effronterie culturelle », et du phénomène de la religiosité dans les sociétés arabes, comme « résistance aux moindres frais » à la modernité de type occidentale.
Je rends ici hommage à la mémoire de l’irremplaçable Durkheim des Arabes.