Publié par CEMO Centre - Paris
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À Gao, les militaires s'apprêtent à fêter Noël, un moment sensible

vendredi 24/décembre/2021 - 01:39
La Reference
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Huffpost : Ici et là, des guirlandes de Noël se détachent du fond orange, couleur sable, qui est omniprésent. Sur la base militaire de Gao, au Mali, les troupes françaises de l’opération Barkhane s’apprêtent à célébrer la fin de l’année 2021, comme souvent loin de leurs familles.

Car la plupart des 2500 militaires à Gao - toutes nationalités confondues - sont engagés en “opex” (opération extérieure) pour une durée, sauf exception, de quatre mois. Ceux arrivés fin septembre ou en octobre ne verront donc leurs familles qu’en février. Ce qui signifie passer Noël et le nouvel an sur la base.

Comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessus, sur place, certains ont installé des sapins de Noël ou même des crèches dans leur “zone vie”. ”Ça permet d’avoir l’esprit de Noël même en opération extérieure. Il faut un peu se sentir comme à la maison”, sourit le lieutenant Yohan, chef de PTM (peloton de transport mixte), dont la mission est d’assurer le transport, l’escorte des convois et le ravitaillement logistique.

On ne voit pas le temps passer”

Sans ces décorations de Noël ou le JT que certains regardent à la télévision, on oublierait presque qu’on est mi-décembre. En journée, il fait 35°. “Je le réalise quand je suis au téléphone avec mes parents et qu’ils me disent qu’ils ont un ressenti -7, de la neige, reconnait le sergent Arnaud, chef de peloton SG-MAT (sous-groupement de maintenance adapté au théâtre). Ici, on n’a pas eu une goutte de pluie depuis trois mois et on ne voit pas le temps passer.”

Un dîner de Noël - que le président de la République devait initialement venir partager avec les troupes - est bien prévu. Puis quelques bières à la “popote”, où les militaires ne sont autorisés en théorie à qu’une seule unité d’alcool par personne et par jour.

“C’est un peu le bar, où l’on peut se détendre le soir et oublier un peu la journée, explique le lieutenant Yohan. On organise parfois des karaokés. Et le dimanche c’est barbecue.” 

Des cadeaux sont prévus, notamment distribués par les différentes armées (Terre, Air, Marine). “Les régiments nous envoient aussi un petit quelque chose pour Noël, donc la base arrière pense à nous, souligne le lieutenant José, chef de section réparation-mobilité. On reçoit énormément de colis de la part des conjoints et de la famille. Certains ont déjà reçu 5-6 colis.”

“Les terroristes pensent qu’on fait la fête”

Mais pas question de se relâcher totalement pour autant. Car la fin d’année est toujours une période sensible face à la menace terroriste.

“Le 1er janvier, le 25 décembre, [les groupes armés terroristes] pensent qu’on fait la fête jusqu’à pas d’heure et se disent qu’il y a du relâchement, rappelle le sergent Arnaud. Au contraire, les chefs le savent bien, donc on fait quelque chose pour marquer le coup, mais ça reste classique. Ici, on ne peut pas se permettre de faire des soirées comme en France.”

Tous les lendemains de jours fériés, comme le lendemain du 14 juillet ou les dates symboliques en France, sont à risque. Par exemple, cela ne serait pas un hasard, pour les militaires, si une attaque a eu lieu le 5 décembre dernier, lendemain du jour de la Sainte-Barbe, Sainte Patronne des pompiers. 

Au lendemain de la Sainte-Barbe

Deux explosions avaient alors ciblé un camp de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma) à Gao, occasionnant des dégâts matériels. Un épisode récent qui reste dans les esprits. “On a eu une alerte à 5h45 du matin, on s’est tous levés et équipés, direction les abris”, se souvient le lieutenant Yohan. 

“Donc on peut se détendre, mais pas trop non plus. Parce qu’on n’est jamais à l’abri d’attaques indirectes de missiles sur la PfOD (NDLR: plateforme opérationnelle Désert)”, résume-t-il.

Et si les opérations périlleuses ont été freinées à Gao avant Noël pour ”éviter les pertes” avant une éventuelle visite présidentielle, l’activité n’en est pas moins soutenue. Des convois sont toujours en route depuis Tombouctou et vers Menaka ou Gossi, les deux bases de Barkhane qui perdurent, au Mali, avec Gao.

“Il y a en ce moment plusieurs ELI (éléments légers d’intervention, chargés d’assurer le soutien logistique et mécanique au sein d’un convoi) qui sont déclenchés sur des postes avancés, rappelle l’officier Thomas, qui s’occupe lui de la numérisation du système d’information de combat SCORPION. Mais on va quand même passer un bon moment ensemble.” 

“Il est où Papa?”

Si l’éloignement des proches est une donnée intégrée par les militaires et par leurs familles, il n’en est pas pour autant facile à vivre, surtout pour la base arrière. “On dit souvent que les conjointes de militaires sont plus fortes que les militaires eux-mêmes”, convient le lieutenant José, dont la fille va fêter son premier Noël et son premier anniversaire le 8 janvier. Sans son père.

“Elle ne s’en souviendra pas, ce n’est pas grave, tente-t-il de relativiser. C’est surtout difficile pour ceux qui ont des enfants plus âgés. La question la plus dure à absorber c’est: “il est où Papa?” Ou maman, mais ce sont principalement des papas.”

Si l’armée française est l’une des plus féminisées au monde, les hommes restent majoritaires: elle compte environ 15% de femmes, un chiffre qui varie selon les corps armés.

La major Christelle fait au moins une opération extérieure par an. Si ses filles sont désormais adolescentes, ses absences n’ont pas toujours été faciles. “L’anniversaire, vous n’êtes pas là, certaines fêtes vous n’êtes pas là... Mais quelque part, elles sont aussi plus débrouillardes et indépendantes plus vite que d’autres”, contrebalance-t-elle.

L’officier Thomas attend lui un “heureux évènement” pour début janvier, pendant sa mission. Il ne sera pas là pour la naissance de son enfant. “C’est difficile. L’esprit de corps et la cohésion de la section sont vraiment importantes dans ce genre de situation, dit-il en souriant. On se soutient tous.”

“C’est la vie qu’on a choisie ”

Sur la base, le wifi permet aux militaires de garder le contact avec le monde extérieur. Les nouveaux modes de communication ont largement amélioré leur quotidien. Le lieutenant José parle à sa famille tous les jours. Et sera présent “en visio” le jour de Noël.

“Après, c’est la vie qu’on a choisi de mener, rappelle-t-il. Et je pense qu’il y a de la fierté chez les enfants, de savoir que leurs parents sont là au service de la France.” L’aspect financier, non négligeable, peut aussi apporter une certaine compensation.

En opération extérieure, les militaires voient leur solde augmenter. “Au Mali, c’est le théâtre où l’on est le mieux rémunérés, parce que c’est là où il y a le plus de risques et c’est le côté opérationnel, explique-t-il. Ici, je touche deux fois et demi la solde que je touche en France.”

Sur son trousseau de clefs est accroché un badge avec la photo de sa femme et de sa fille. “Elles sont toujours avec moi”, glisse-t-il.

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