L'économie numérique au service d'une Afrique connectée
Comme pour toutes les innovations de notre siècle, les sociétés civiles semblent avoir pris de l'avance sur les législateurs. Il n'en reste pas moins que seuls les investissements de taille dans les infrastructures, les projets innovants et la formation de la jeunesse du continent - sa véritable force vive - ne pourront lui faire saisir le tempo de ce que l'on nomme déjà la « 4 e révolution industrielle ». Les gouvernements et acteurs issus du secteur privé tiennent ainsi un rôle primordial dans cette quête.
L'Africa Digital Economy Forum avait pour objectif de mettre l'économie numérique au cœur des enjeux de l'Afrique, en aboutissant à des actions concrètes, tant en matière d'investissements qu'au niveau de la règlementation de l'écosystème du numérique.
Pour ce faire, l'évènement - dont le caractère novateur a été loué par le Président Macky Sall - a réuni des personnalités issues de tous horizons : ministres, dirigeants de premier plan issus du secteur privé, entrepreneurs visionnaires et professeurs y ont échangé leurs perspectives et retours d'expérience, autour de nombreuses tables-rondes et autant de keynotes.
Quatre thématiques principales ont émergé de l'événement : la stratégie digitale des Etats africains, le développement de l'infrastructure numérique en Afrique, l'innovation digitale, ainsi que le développement des talents. Autant de données et axes structurants en ont émané, comme détaillé ci-dessous :
1- La stratégie digitale des Etats africains
Les échanges lors de l'Africa Digital Economy Forum ont permis de souligner une conclusion : le continent africain ne doit pas accepter que les règles du jeu du numérique se décident sans lui.
Aujourd'hui, le numérique représente entre 7 % et 10 % du PIB de nombreux Etats africains qui élaborent en ce sens des stratégies aussi novatrices que porteuses. Au Sénégal par exemple, la stratégie « Sénégal numérique 2025 » a pour objectif de redonner un nouveau souffle au secteur du digital, en apportant de nouveaux relais et sources de croissance aux acteurs qui le constituent, de manière à porter à 10 % la part du numérique au PIB à l'horizon 2025.
De même, au niveau panafricain, une véritable volonté politique a émergé au niveau des chefs d'Etat pour saisir le train du numérique. Une dynamique bienvenue, concrétisée par l'alliance Smart Africa. Cette dernière réunit 32 Etats africains et a pour objectif de créer un environnement politique et réglementaire propice à la création de partenariats, d'entreprises et d'emplois. Smart Africa entend ainsi favoriser l'évolution des pays africains vers une économie fondée sur les TIC, et ambitionne d'accroître la compétitivité de l'Afrique dans l'économie mondiale. Nous en sommes ainsi convaincus : les TIC ont la capacité de niveler le terrain de jeu mondial, de libérer le capital humain et d'exploiter son plein potentiel. Plus que jamais, les instances de décision africaines doivent baser leurs stratégies sur l'économie numérique, et la placer au centre du développement du continent.
2- Le développement de l'infrastructure numérique en Afrique
Des données marquantes ont été avancées par les experts conviés à la conférence, mettant en lumière les contours de la couverture numérique en Afrique :
▪ Le taux de pénétration d'Internet s'élève en Afrique à 39,8 % ;
▪ Seuls 60 % des Africains ont accès à l'électricité ;
▪ Selon GSMA, sur un échantillon de 1 084 millions de personnes, 303 millions (28 %) étaient connectés au réseau mobile, 206 millions n'étaient pas du tout couvertes (19 %) et 575 millions de personnes (53 %) vivaient dans des zones couvertes par des réseaux de haut débit mobile, mais n'utilisaient pas encore ces services.
Ces chiffres soulignent le fait que malgré les récentes avancées et mutations positives que connaît l'Afrique, le manque d'infrastructures y reste criant. En ce sens, le haut débit mobile - dit broadband - constitue l'une des infrastructures clés du développement de l'économie digitale africaine de demain. Selon les études de la Banque mondiale, chaque tranche de 10 % de pénétration du haut débit peut générer jusqu'à 1,5 % de croissance du PIB. Cependant, si le taux de pénétration et la vitesse moyenne du haut débit en Afrique ont augmenté́ avec une rapidité exponentielle au cours des dernières années, ce dernier reste encore loin de la moyenne mondiale.
Pourtant, le haut débit mobile constitue une technologie apte à aider le continent à avancer plus rapidement vers la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), en proposant des solutions innovantes dans tous les secteurs des économies africaines (agriculture, industrie, éducation, santé,...).
Enfin, les câbles sous-marins font eux aussi partie des infrastructures les plus prometteuses pour le développement de la connectivité en Afrique. Ceux-ci permettent une connexion plus sécurisée et plus large. Ils ont en ce sens un impact positif sur les coûts et contribuent par là même à la réduction de la fracture numérique partout en Afrique ;
3- L'innovation digitale
La population africaine augmentant à une vitesse exponentielle, l'entrepreneuriat constitue l'un des principaux ressorts du possible dividende démographique que connaîtra le continent. Cependant, l'Afrique toute entière ne compte à ce jour que 7 start-ups dites « licornes », au sens où elles ont été évaluées en bourse à plus d'un milliard de dollars.
L'entrepreneuriat constitue donc en Afrique un secteur à encourager, tant par les autorités publiques que par les investisseurs privés. A ce jour, de nombreux pays ont adopté des chartes dites « Start-ups acts ». Ces dernières sont conçues pour faciliter le lancement et le développement des startups au niveau national et intègrent des mesures structurées autour d'un label de mérite, ainsi que de nombreux avantages pour les entrepreneurs et les investisseurs. En Afrique, la Tunisie, la Côte d'Ivoire, le Sénégal et le Rwanda ont adopté des projets de ce type.
4- Le développement de talents numériques
Enfin, en ce qui concerne les talents, l'une des difficultés que rencontrent les acteurs économiques africains réside dans la rareté des talents aptes à concrétiser les idées et visions qu'ils nourrissent. Bien que le continent soit conscient du fait qu'une grande partie de sa jeunesse reste à former afin de répondre aux exigences croissantes du marché du travail chaque jour plus professionnalisant, le chemin reste long.
Pour le traverser, il convient de mettre l'accent sur les politiques de formation, en privilégiant l'enseignement de compétences liées aux nouvelles technologies. Ces dernières peuvent être initiées et financées par des acteurs privés engagés en Afrique : le Groupe Huawei s'est par exemple activé dans des investissements de plusieurs centaines de millions de dollars à travers des programmes inédits. Ainsi, Seeds for the Future ou encore ICT Academy bénéficient à plus de 1,5 million de personnes dans 150 pays - parmi lesquels de nombreux pays africains. Par ailleurs L'initiative ICT Academy a déjà permis de former plus de 41 000 personnes rien que dans la région dite « Northern Africa », qui compte 28 pays.
Les Etats africains ont eux aussi leur rôle à jouer, et certains d'entre eux affichent même des statistiques notables en la matière. La Tunisie par exemple est le deuxième pays au monde à posséder le plus de diplômés dans le secteur des sciences et technologies de l'information, par rapport à sa population. Une singularité porteuse : il existe une forte demande internationale autour diplômés tunisiens de ces spécialités ouvertes sur l'avenir.
5- Conclusion
Le développement des écosystèmes digitaux est un excellent levier pour dynamiser les économies d'un continent qui, grâce au numérique, connait depuis plusieurs années des mutations positives d'ampleur. Ainsi, la pandémie du Covid-19 pourrait constituer une épreuve créatrice d'opportunités : elle a planté les germes d'une nouvelle imagination de la structure économique africaine à grande échelle. Partout en Afrique, le changement est en marche ; il ne reste plus au continent que de se saisir du numérique pour accélérer le développement qui lui est promis. L'Africa Digital Economy Forum a été en ce sens l'occasion d'aboutir à des conclusions qui impacteront les secteurs publics comme privés.