Publié par CEMO Centre - Paris
ad a b
ad ad ad

Les Soudanais restent déterminés à évincer les militaires du pouvoir

mercredi 15/décembre/2021 - 04:39
La Reference
طباعة
Cet après-midi du 13 décembre a un air de déjà-vu. Depuis le coup d’État militaire du 25 octobre, c’est la huitième « marche du million » organisée par les Comités de résistance, antennes révolutionnaires locales réparties dans tout le Soudan, et l’Association des professionnels soudanais, fer de lance de la révolution. Les cortèges de Bahri et Omdurman, les deux grandes villes situées respectivement au nord et à l’ouest de la capitale, ont convergé dans l’avenue al-Azhari à Omdurman, au bout de laquelle trône la résidence d’Ismaïl al-Azhari, président de la République entre 1965 et 1969.
D’immenses étendards, aux couleurs panarabes, ou du bleu, jaune et vert qui représentaient le pays jusqu’en 1970, enjambent l’artère, bondée par des dizaines de milliers de manifestants. Ces derniers brandissent les visages des 44 victimes de la sanglante répression perpétrée depuis le 25 octobre, imprimés ou minutieusement peints au pochoir – une 45e victime a succombé à ses blessures ce même jour. Le général putschiste a, lui aussi, droit à son portrait, barré par une croix rouge.
La mobilisation ne faiblit pas
Barricades en briques encombrant les ruelles menant au point de rendez-vous, pneus brûlés en continu, kandakat (surnom donné aux femmes révolutionnaires) haranguant la foule, vrombissements de motos, distributions de tracts, lancer de ballons portant le nom des « martyrs » tombés depuis décembre 2018… Autant d’indicateurs de la poursuite du soulèvement populaire, incarné par une masse hétérogène où se croisent une jeune mère en jeans tenant son bambin par la main, une étudiante au visage dissimulé sous un niqab et le dos capé du drapeau national, un vieillard aux cheveux jaunis portant les mêmes couleurs sur son épaule et des dizaines de femmes en toub bariolé – tissu traditionnel dans lequel les Soudanaises s’enroulent le corps et les cheveux.
Les forces de l’ordre n’ont pas manqué de disperser, à la tombée de la nuit, ce rassemblement pacifique à coups de matraque et de gaz lacrymogène. Le Comité des médecins soudanais, un syndicat prodémocratie, recense une soixantaine de blessés entre Omdurman et Khartoum, où un autre cortège a pris la direction du palais présidentiel. Des arrestations arbitraires ont eu lieu en marge de ce rassemblement. Cela ne saurait entamer la détermination des manifestants, qui se saluent désormais en pointant l’index, le majeur et l’annulaire pour dire « non aux négociations, non au partenariat, non à la légitimité ». Un slogan qui témoigne de leur opposition à l’accord passé le 21 novembre entre le Premier ministre, Abdallah Hamdok, et l’auteur du coup d'État, le général Abdel Fattah Al-Burhane.
Les Comités de résistance posent leurs conditions
« Il n’existe pas d’arme aussi puissante que les manifestations pacifiques du Soudan. Nous en avons organisé depuis décembre 2018. Nous continuerons jusqu’à obtenir nos droits civiques. Ici, les citoyens ne réclament aucun luxe, si ce n’est d’avoir accès à l’eau, à la santé et à l’éducation, résume Ayman Ibrahim, jeune diplômé en pharmacie sans emploi. Nous n’allons pas remporter cette bataille facilement car les militaires possèdent des armes et contrôlent les ressources, incluant l’eau et l’électricité. Mais, maintenant que le peuple s’est réveillé, il n’abandonnera pas », ajoute-t-il.
« Burhane a gagné une partie, mais il n’a pas gagné la guerre », enchérit Rue, membre d’un Comité de résistance de Bahri, qui s’exprime sous pseudonyme pour des raisons de sécurité. « Nous travaillons sur notre propre accord, qui est en train d’être relu et modifié par tous les Comités de résistance du Soudan », annonce-t-elle. Ce document devrait servir d’outil, à l’image de la déclaration des Forces pour la liberté et le changement, signée le 1er janvier 2019 par 22 organisations révolutionnaires. Rue énumère les grandes lignes : « Nous refusons d’être dirigés par les militaires et ils devront être punis pour les crimes qu’ils ont commis. Le Parlement devra être formé et devenir les yeux de la révolution. Les Comités de résistance devront y être représentés. Nous nous assurerons qu’il n’y a pas de triche au moment des élections. »


"