Des Egyptiens que j’ai connus à Paris (16) : Amine Fakhri Abdelnour, pure âme égyptienne dans l'excellence de la francophoni.
Les causeries du vendredi à Paris
Des Egyptiens que j’ai connus à Paris (16) :
Amine Fakhri Abdelnour, pure âme égyptienne dans l'excellence de la francophoni.
Les Coptes d’Egypte portent en eux des signes et des caractéristiques les plus beaux de l’âme de cette vieille nation . Ils portent en eux également une compréhension profonde des aspects de l’esprit des Egyptiens . En même temps, ils se caractérisent souvent par une capacité innée à traiter avec la civilisation occidentale en général, et française en particulier, tout en tirant profit de tout ce qu’elle contient de positif au service de la nation, et j’ai ici à titre d’exemple, le grand homme feu Amine Fakhri Abdelnour.
Celui qui connaît la famille Fakhri Abdelnour comprendra le sens du patriotisme égyptien dans ce qu’il a de plus noble. En effet, Fakhri Abdelnour, l'aieul de la famille, est le grand militant nationaliste, camarade de Saad Zaghloul, père de la nation, durant la révolution de 1919, et l’une des figures de proue de cette révolution. Nous connaissons tous en Egypte la famille Abdelnour à travers les fils, et les petits fils de Fakhri, tous membres de la classe politique égyptienne, dont le grand avocat wafdiste Saad Fakhri Abdelnour, et som frère Amin, sujet de cet article, que j’écris avec beaucoup d’émotion, car, j’ai connu l’homme de très près et qu’on est devenus des amis, voire des frères, bien qu’il soit mon aîné de plus de trente ans .
Amin Abdelnour avait une capacité étonnante à étendre son amour à tout le monde en considérant chaque Egyptien comme membre de sa famille.
J’ai connu Amine Abdelnour à Paris au milieu des années quatre-vingts, alors que nous étions tous deux membres du Conseil d’administration de l’Association du souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez. Lorsque, par la suite, j’ai travaillé au Bureau du journal al- Ahram, rue Marbeuf près des Champs-Elysées, Amine parcourait à pied les trois kilomètres qui séparaient l’hôtel Bedford où il descendait depuis plus de 40 ans – même hôtel et même chambre – situé rue de l’Arcade. Au Bureau d’Al Ahram, il commençait par une visite de ma bibliothèque, puis nous discutions longuement, et sortions déjeuner ensemble. Je l accompagnais jusqu'à son hôtel, toujours à pied, où il retrouvait son épouse, la remarquable dame connue sous le nom de « Nina », que Dieu lui accorde bonne santé et longue vie. Parmi ses amis les plus proches, il y a la célèbre poétesse et écrivaine française d’origine égyptienne Andrée Chédid.
Amine Abdelnour était connu dans les milieux industriels et culturels d’Egypte et de France, il était à lui seul un pont actif contribuant par sa personne et son argent à toute activité renforçant les relations entre les deux pays. A titre d’exemple, citons son financement de la publication d’un livre sur les Saints-Simoniens en Egypte, avec le chercheur Philippe Reignier, ainsi que sa contribution au financement de l’Université française d’Egypte. Aucun ambassadeur de France au Caire n’entrait en fonction au Caire sans rencontrer d’abord Amin Fakhri Abdelnour, qui était considéré comme le doyen des francophones égyptiens, et l’ancien élève de l’école des Jésuites le plus illustre.
Je dois surtout signaler ici qu'il était une réserve inépuisable de souvenirs et d’anecdotes d’un siècle entier de relations Franco-égyptienne. Cet homme charmait son auditoire par sa maîtrise de la langue arabe et du français, et il combinait de façon étonnante les deux cultures. Ainsi, il paraissait égyptien du pays quand il le fallait, et parisien jusqu’à la moelle quand il était nécessaire : il connaissant les secrets de la culture française, ses sciences et ses lettres, sa gastronomie et ses parfums. Il était vraiment rare de trouver, lors de votre parcours entre les deux civilisations, un homme maîtrisant aussi bien leurs patrimoines qu’Amine Abdelnour.
Et alors qu’il approchait des cent ans, il se trouva obligé de rester chez lui, dans sa résidence de Zamalek, où le visitaient écrivains, poètes, industriels et artistes. le salon d’Amine Abdelnour, et sa terrasse que sa femme avait transformée en jardin orné de fleurs et de belles plantes devinrent un lieu de pèlerinage, de telle sorte qu’on pouvait dire, qu en passant uniquement chez les Abdelnour, qu’on avait visité tout Le Caire,
on aurait dit un musée à Zamalek, car les murs étaient littéralement tapissés de tableaux empruntés au monumental "Description de l’Egypte", de photos rares et de bibelots exprimant un goût raffiné et une histoire complète de la France en Egypte, ainsi qu’une présence rayonnante de l’Egypte en France.
Si vous voulez savoir qui est Amine Abdelnour, voyez les fils qu’il a donné à la patrie, dont l’un d’eux, mon cher ami, Mounir Fakhri Abdelnour, réunit nombre de qualités de son père : outre son expérience remarquable en tant que ministre au service de la nation, sa générosité et de son amour de la beauté sous toutes ses formes, poétiques et littéraires.
Parmi les projets d’Amine Fakhri Abdelnour figurait l'enregistrement audio de sa biographie, transcrite par le grand journaliste Abdelrahim Ali, mais après qu’Amine Abdelnour eut approuvé l’idée, je crois que des raisons de santé nous ont privés de cette expérience qui aurait sans doute été utile aux générations à venir.
Il n’est pas possible de parler de la famille d’Amine Fakhri Abdelnour sans parler également de son frère Saad qui était lui aussi un océan de souvenirs et de secrets et qui m’a beaucoup aidé dans mon livre sur Jean Cocteau. En effet, il était l’avocat du prince Mohamed Wahid Eddine, l’ami intime du célèbre poète (lui-même fut le fils de la princesse Shivékiar avant , qu’elle ne se marie avec le futur roi d Egypte Ahmed Fouad). Saad Fakhri Abdelnour était connu pour sa fréquentation d’un des restaurants les plus chics de Paris, qui donna le nom à une salade riche en fruits et légumes « Salade de maître Nour ».
Et lorsque la grande professeure de littérature française à l’Université de Damanhour, Dr. Nadia Andraous, me demanda de l’aider à créer une bibliothèque dans l’un des monastères du désert d’Egypte, j’en ai parlé à Saad Abdelnour à Paris, et il m’aida à acheter les livres, puis à les envoyer en Egypte, contribuant ainsi à des œuvres caritatives pour aider les gens non seulement en Egypte, mais aussi en France.
Nous sommes vraiment face à un modèle rare dans les relations humaines incarnées par l’éducation et l’esthetique raffinées des enfants et des petits-enfants de cette grande famille copte égyptienne. La famille Fakhri Abdelnour, qu’il leur soit rendu hommage et que Dieu leur accorde à tous, fils et petits-fils, longue vie.