Mali : un village isolé après la destruction d'un pont attribuée aux jihadistes
La seule route bitumée menant au village de Dogofry coupée en deux par un trou béant : les habitants ont filmé les dégâts causés par une attaque présumée terroriste contre le pont qui permettait d'accéder au village.
Le pont était situé à environ 5 km au sud du village de Dogofry, sur la route nationale permettant d'aller à Bamako, et d'accéder au nord du Mali et à la Mauritanie. Sans ce pont, Dogofry se retrouve isolé : les habitants ne peuvent plus se rendre dans la ville voisine de Diabaly, l'approvisionnement en nourriture est menacé, et aucun renfort militaire ne peut venir défendre le village en cas d'attaque. La base militaire la plus proche se trouve justement à Diabaly.
"S'il n'y a plus de pont, ce sera la famine”.
Ahmed (pseudonyme) réside à Dogofry. Il explique que détruire le pont permet aux jihadistes de bloquer le village :
Chaque mardi, c'est le marché à Dogofry. Ce mardi, [2 novembre, après la destruction du pont, NDLR], ce n'a pas été comme avant. D'habitude, des gens de Ségou et de partout au Mali viennent au marché, et c'est comme ça que les habitants de Dogofry se ravitaillent en denrées comme le sucre, le sel. Donc s'il n'y a plus de pont, on n'aura plus accès à ça, ce sera la famine. [Les jihadistes] voulaient nous mettre dans cette situation. Leur objectif, c'est de bloquer Dogofry.
Ce n'est pas la première fois que les jihadistes visent des infrastructures au Mali : le village de Farabougou, à une quarantaine de kilomètres de Dogofry, avait été coupé du reste du pays en octobre 2020 lorsque deux ponts permettant d'accéder à la ville avaient été dynamités. La commune est assiégée par les jihadistes, en proie à une pénurie de denrées alimentaires.
Plusieurs attaques avaient eu lieu près de Dogofry au cours des derniers jours : le 20 octobre, un car de transport a été attaqué sur la même route, et plusieurs passagers ont été enlevés. Le 24 octobre, des individus avaient essayé une première fois de faire sauter le pont, sans succès.
Après l'explosion du pont, les femmes du village ont manifesté pour tenter d’attirer l'attention de la communauté internationale sur la situation sécuritaire.
La vidéo, filmée par un habitant de Dogofry, montre des femmes sorties protester contre l'insécurité après la destruction du pont le 1er novembre.
“Ils tirent sur tout ce qui bouge, ils ne cherchent pas à comprendre”.
Selon Kassim (pseudonyme), un autre habitant de Dogofry, les villageois sont exaspérés par l'insécurité qui règne dans la localité :
La zone de Niono est la cible d'une bataille depuis cinq ou six mois. Dogofry en a marre, on a beaucoup perdu. Nous avons perdu beaucoup d'hommes, [les jihadistes] ont même tué des femmes. Ils tirent sur tout ce qui bouge, ils ne cherchent pas à comprendre. Ils nous empêchent d'aller dans les champs, j'ai perdu beaucoup de camarades à cause de cela. [Ces attaques] ont engendré de la famine, car nous avons perdu beaucoup de terres cultivées.