Pêche, sous-marin, immigration: entre Londres et Paris, pourquoi les tensions se multiplient
Pourquoi autant de frictions? “Il fallait s’attendre à ce que le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne provoque des tensions”, explique Antoine Aurélien, professeur de droit et directeur de l’Observatoire du Brexit, interrogé par Le Huffpost. “L’impact du Brexit n’est pas observable qu’au Royaume-Uni, insiste-t-il. Au-delà de l’Union européenne, ce sont des relations étroites depuis des siècles qui sont touchées.”
Toutefois, ces contentieux -hormis le traité “surprise” annulant le contrat franco-australien colossal sans que Paris soit prévenu- sont en réalité sous-jacents depuis de nombreux mois, rappelle Aurélien Antoine. La question de la pêche avait presque fait craindre une bataille navale entre les deux pays en mai, les traversées de migrants ne sont malheureusement pas une nouveauté, et le Brexit est entré en vigueur il y a 18 mois. “Mais là, tout s’agrège”, explique-t-il. Et en raison d’un agenda bien chargé, surtout du côté français, tout sujet devient politique.
Royaume-Uni et France montrent les muscles
C’est notamment le cas de la pêche, de nouveau au cœur des préoccupations ces derniers jours. Alors que ce secteur représente 0,1% du PIB pour les deux pays, la question des licences accordées aux pêcheurs français, pas assez nombreuses, estime Paris, est devenue un sujet hautement sensible dans lequel France et Royaume-Uni jouent la surenchère à coup de menaces et de mesures de restrictions. “Les Etats veulent montrer leurs muscles, leur souveraineté, notamment en matière de politique économique. La France veut s’affirmer sur la scène européenne et Boris Johnson (le Premier ministre britannique, ndlr) veut donner des preuves tangibles des avantages du Brexit”, explique le professeur de droit.
D’après le ministre britannique de l’Environnement George Eustice, Emmanuel Macron veut aussi jouer sa réélection en gagnant cette bataille de la pêche. Un point de vue partagé par Aurélien Antoine: “On ne peut pas dire que c’est le principal sujet politique, mais la France veut se montrer stricte, parfois à l’excès.” La menace de renforcer des contrôles et d’interdire aux bateaux britanniques de débarquer dans les ports français à partir du 2 novembre a d’ailleurs été qualifiée de disproportionnée de l’autre côté de la Manche. Mais à quelques mois des élections, le spécialiste estime que “l’exécutif veut aussi se positionner en tant qu’allié du monde agricole.”
Autre échéance de taille qui explique la fermeté du ton côté tricolore: la présidence du Conseil de l’Union européenne à partir de janvier 2022. “Emmanuel Macron veut en faire un moyen de relancer l’UE”, ajoute Aurélien Antoine, et mettre un accent sur la défense, mise à mal par le traité Aukus.